Glaçons dans la combinaison et rues désertes aux Mondiaux de cyclisme au Qatar
Glaçons dans la combinaison et rues désertes aux Mondiaux de cyclisme au Qatar
Propos recueillis par Clément Guillou
Les championnats du monde de cyclisme se disputent depuis dimanche dans l’anonymat à Doha. Le coureur français Jérémy Roy raconte.
Jérémy Roy lors du contre-la-montre, mercredi à Doha. | KHALED DESOUKI / AFP
Jérémy Roy a participé mercredi au contre-la-montre Elite des championnats du monde de cyclisme, disputés à Doha, au Qatar. Arrivé en 34e position à trois minutes et demie du vainqueur Tony Martin (Allemagne), il a quitté la capitale dès le lendemain matin, à l’aube. Il décrit l’atmosphère particulière de ces Mondiaux sans public, disputés par une température de 36 degrés… à l’ombre, dix de plus au soleil.
Quelle influence a eu la chaleur sur votre préparation, puis votre course ?
J’ai vraiment limité mon temps d’échauffement puisqu’on monte plus vite en température, et cherché à garder de la fraîcheur le plus longtemps possible. Pendant le « chrono », j’avais des glaçons sous la combinaison, comme on le fait lors des étapes très chaudes. J’avais pris un sac avec de l’eau frigorifiée sur le dos, ce qui ne m’était jamais arrivé, et j’ai bu un bon litre. On avait mis en place quatre points de ravitaillement sur les 40 kilomètres pour se faire arroser.
J’étais bien concentré, donc je n’ai pas plus souffert qu’aux championnats de France contre-la-montre où il avait fait très chaud aussi. J’ai davantage souffert pendant les jours d’acclimatation, lors de mes premiers efforts. Comme tout « chrono » long, j’ai fini à l’agonie.
Quel souvenir garderez-vous de ces 48 minutes d’effort ?
C’est une expérience du désert, puisque je n’étais jamais venu au Qatar. Je préfère garder en souvenir la préparation que j’ai faite avant de partir, avec mon entraîneur, que le contre-la-montre en lui-même, où mon résultat m’a déçu.
Heureusement que l’entraîneur de l’équipe de France Espoirs, Pierre-Yves Chatelon, était derrière moi pour me fournir des encouragements, car rouler seul n’a bien sûr rien à voir avec une étape du Tour de France. Même si l’on reste dans notre bulle sur un contre-la-montre, ça fait du bien de se raccrocher à des encouragements.
Quel sentiment vous donne ce Mondial au Qatar ?
On a toujours l’image du championnat du monde avec les supporteurs aux couleurs de tous les pays, les drapeaux de sortie, les casques de Vikings : l’ambiance, c’est aussi ce qui fait le charme des championnats du monde. J’ai eu la chance d’en faire donc je sais ce que c’est.
Je suis déçu pour les plus jeunes ou les féminines, qui n’ont pas l’occasion d’être encouragés le reste de l’année. Ils ne connaîtront pas cette magie, cette atmosphère que nous connaissons régulièrement en tant que professionnels.
J’ai lu que c’était un Mondial pour téléspectateurs, c’est effectivement le cas. Il y a sans doute de belles images de The Pearl [la presqu’île artificielle où se trouve le circuit d’arrivée]… L’absence de spectateurs sera plus gênante pour la course en ligne que pour le contre-la-montre, qui attire rarement les foules. Il y aura d’ailleurs, peut-être, un peu plus de monde ce week-end avec les familles des coureurs qui sont en train d’arriver.
La Néerlandaise Ellen Van Dijk, future médaillée d’argent du contre-la-montre, dans les rues de Doha mardi. | KHALED DESOUKI / AFP
Ces championnats du monde sont-ils mauvais pour l’image de votre sport ?
Je préfère ne pas me poser la question. C’est comme ça. Il faut demander à ceux qui ont décidé de mettre le Mondial au Qatar s’ils sont satisfaits de leurs choix. J’ai une opinion, mais je préfère la garder pour moi, car je ne veux pas faire trop de vagues après ma contre-performance.
Le Tour du Qatar a été créé il y a quinze ans pour développer l’utilisation du vélo dans le pays, avec l’installation d’un système de location en libre-service. Avez-vous senti un intérêt pour ce sport durant vos quelques jours à Doha ?
Il y a quelques habitants qui nous saluent de la main et sont intrigués, contents de nous voir, à la fois des Qataris et des immigrés, mais finalement ils sont très peu nombreux. Je n’ai pas vu une seule personne en vélo. Mais attendons de voir vendredi, l’équivalent du dimanche chez nous…
Êtes-vous malgré tout favorable au fait d’organiser des championnats du monde dans des pays dont la culture cycliste est inexistante ?
Ce n’est pas courant. C’est bien d’essayer de faire bouger les lignes, de sortir d’une certaine zone de confort, mais je ne connais pas tous les arguments utilisés pour amener les championnats du monde ici… C’était sans doute pour récompenser le Qatar de tout son investissement dans le cyclisme depuis quinze ans. (Rires.)
A quoi ressemble le circuit sur lequel se joueront les titres mondiaux, à partir de vendredi ?
Il n’est pas très large, avec beaucoup de ronds-points qui s’enchaînent : les premiers du peloton pourront passer sans freiner, mais à partir de la 15e place, ça va faire l’entonnoir. Ça va être assez tendu toute la course et il sera difficile de remonter le peloton. C’est donc un circuit technique, avec une ligne d’arrivée sur une route qui n’est pas un grand boulevard, comme on aurait pu l’imaginer, et en très léger faux plat montant.