« Presque aucun sondage ne donne Marine Le Pen gagnante au second tour »
« Presque aucun sondage ne donne Marine Le Pen gagnante au second tour »
Olivier Faye, chargé de l’extrême droite au « Monde », a répondu aux questions des internautes sur la campagne de la présidente du Front national.
Inauguration du QG de campagne de Marine Le Pen pour la présidentielle de 2017, à Paris, le 16 novembre 2016. | Cyril Bitton / DIVERGENCE POUR LE MONDE
Chargé du suivi de l’extrême droite au Monde, le journaliste Olivier Faye a répondu, mercredi 16 novembre aux questions des internautes sur la campagne de Marine Le Pen. La présidente du Front national a présenté dans la matinée une partie de son équipe en vue de l’élection présidentielle de 2017.
Coulisse : On ne voit pas beaucoup Marine Le Pen en ce moment, pourtant je n’arrive pas à imaginer qu’elle ne prépare rien en coulisse. Que fait-elle ?
Olivier Faye : En effet, Marine Le Pen se fait très discrète : l’actualité étant chargée avec la primaire de la droite, et, à gauche, avec la candidature d’Emmanuel Macron et la primaire en janvier, elle ne veut pas se retrouver dans la position du commentateur. C’est pour cette raison qu’elle refuse, par exemple, de participer dans l’immédiat à L’Emission politique, sur France 2, ou qu’elle a interdit à sa nièce Marion Maréchal-Le Pen d’y participer.
Pour le Front national, le premier vrai rendez-vous de la campagne se tiendra les 4 et 5 février, à Lyon, avec une convention à l’occasion de laquelle le programme de la candidate sera révélé. En attendant, elle prépare ses équipes et ce programme, qui ne devrait pas beaucoup changer par rapport à celui de 2012. « L’important, c’est que tout soit en place à deux mois de l’élection », a-t-elle coutume de dire.
François : Vaut-il mieux un candidat de gauche ou de droite contre le FN au second tour de l’élection présidentielle ?
Olivier Faye : Ces derniers mois, il n’y a presque aucun sondage qui donne Marine Le Pen gagnante au second tour de la présidentielle. Les rares dans ce cas l’opposaient à chaque fois à François Hollande. Dans l’équipe de la candidate, on estime qu’une confrontation avec Nicolas Sarkozy, réputé clivant à gauche, permettrait d’obtenir un score plus important que face à Alain Juppé. Mais le maire de Bordeaux, au profil plus centriste et qui pourrait être tenté de gouverner avec une partie de la gauche, est vu comme le meilleur adversaire pour recomposer la droite dans l’après-2017.
Edgar Jouin : Ne trouvez-vous pas que la rose du logo de campagne de Marine Le Pen se transforme en épée au niveau de sa tige ? Quel est le message derrière ce choix surprenant ?
Inauguration du QG de campagne de Marine Le Pen pour la présidentielle de 2017, à Paris le 16 novembre 2016. | Cyril Bitton / DIVERGENCE POUR LE MONDE
Olivier Faye : Je vous laisse libre de votre interprétation ! Toujours est-il que Marine Le Pen s’amuse du fait de mélanger la rose – symbole du Parti socialiste depuis plus de quarante ans – et le bleu – couleur assimilée à la droite républicaine. La candidate du FN dit y voir un symbole de « rassemblement des Français, d’où qu’ils viennent, au-dessus des vieux partis ». C’est son interprétation.
OLQ : Le conseil stratégique de campagne du Front national reste très hétérogène dans ses convictions. Un tel attelage peut-t-il tenir à l’approche d’élections où il faudra que le FN clarifie ses positions en particulier en matière d’économie et de « mœurs » ?
Olivier Faye : Le conseil stratégique de campagne que Marine Le Pen a présenté mercredi 16 novembre matin regroupe 34 personnes. Il est donc, en effet, hétérogène. Entre les historiques du FN, comme Bruno Gollnisch, les partisans d’une ligne plus libérale d’un point de vue économique, ou les plus portés sur l’identité, comme Marion Maréchal-Le Pen, les cadres et les nouveaux venus, on trouve un peu de tout. La logique de cet organe est de rassembler au maximum. Les véritables décisions, elles, se prendront dans le huis clos du bureau de Marine Le Pen. Au Front national, certains s’amusent à citer le 16e président des Etats-Unis, Abraham Lincoln, pour expliquer la situation : « Une voix pour, sept voix contre. Très bien : le pour l’emporte, car c’est mon vote. »
Dug : Quels rapports entre le GUD, David Rachline et le Front national ?
Olivier Faye : Les anciens du GUD (groupe union défense, un groupuscule étudiant d’extrême droite radicale) sont plus que jamais présents au cœur de la campagne de Marine Le Pen. Axel Loustau, un de ses anciens chefs de file, va par exemple s’occuper des finances : il est déjà trésorier de Jeanne, le microparti de Mme Le Pen. Frédéric Chatillon, lui, ami de jeunesse de la présidente du FN, patron de la société Riwal, a laissé entendre de son côté qu’il pourrait être salarié de la campagne : comme Axel Loustau et comme Riwal, il a été renvoyé en correctionnelle à la suite de l’enquête menée par la justice sur le financement du Front national.
Riwal n’ayant pas le droit de travailler avec le parti dans le cadre des campagnes électorales, cela permettrait à Frédéric Chatillon de garder son rôle de prestataire. Il vient en tout cas régulièrement au siège de campagne. Le directeur de campagne David Rachline, maire de Fréjus, ne cache pas être un ami de « Fred ». Quant à l’ancien avocat fiscaliste Philippe Péninque, qui représente la génération des gudards des années 1970 (Chatillon et Loustau y étaient, eux, dans les années 1990), il continue de jouer le rôle de visiteur du soir auprès de Marine Le Pen.
Ahimsa66 : Et Damien Philippot, il devient quoi ?
Olivier Faye : Il a quitté l’Ifop la semaine dernière mais n’a pas intégré le conseil stratégique de la campagne de Marine Le Pen dévoilé mercredi. Le directeur de campagne David Rachline nous assurait en fin de semaine dernière qu’il ne devrait a priori pas occuper un rôle officiel dans la campagne. Conseiller officieux depuis plusieurs années, le frère de Florian Philippot devrait en tout état de cause garder au moins ce rôle-là.
Luckyluc : Où en est sur le plan judiciaire l’affaire du financement des dernières élections pour laquelle le parti est mis en examen ? Peut-elle éclater pendant la campagne électorale de 2017 ? Et quelles en sont les éventuelles conséquences politiques ?
Olivier Faye : Les juges d’instruction ont renvoyé en correctionnelle plusieurs personnes, comme Wallerand de Saint-Just, trésorier du FN, ou Jean-François Jalkh, vice-président du parti. Le parti est aussi renvoyé en tant que personne morale. Le FN a fait appel de l’ordonnance des magistrats, ce qui retarde la fixation d’une date pour le procès. Ce dernier ne devrait, en théorie, pas intervenir avant l’élection présidentielle, à la fois pour des questions de délais et pour respecter une règle non-écrite qui veut que ce genre d’événement n’intervienne pas en pleine campagne électorale.
Zicmu : Où en sont les finances du FN ? Le montant, l’origine etc.
Olivier Faye : Le Front national assure être encore en recherche d’un prêt pour financer sa campagne. Il déplore le fait de ne pas trouver une banque française susceptible de le financer. Petit à petit, la quête commence à ressembler à celle des parrainages d’élus, que le FN recherchait désespérément par le passé à chaque élection présidentielle. Les frontistes médiatisent le sujet pour préparer les esprits à un éventuel prêt contracté à l’étranger, comme en 2014, avec les 9 millions d’euros empruntés auprès d’une banque tchéquo-russe. Le FN compte dépenser 12 millions d’euros pour sa campagne. Pour l’instant, le microparti de Jean-Marie Le Pen, Cotelec, a accordé un premier prêt : son montant n’a pas été révélé, mais il se chiffrerait en millions d’euros.
Moha : On peut penser d’un premier abord que le Brexit et l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis vont servir la cause du Front National. Qu’en pensez-vous ? Alors que depuis quelque temps, on lit dans la presse les premiers effets néfastes de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne et que l’on assiste aux premiers revirements du républicain, les Français vont-ils continuer à accorder du crédit aux propositions du FN ?
Olivier Faye : Le sujet concerne beaucoup les cadres du Front national, qui veulent appuyer sur la supposée réussite du Brexit et celle à venir de Donald Trump : hors le Royaume-Uni n’a même pas débuté ses négociations pour sortir de l’UE, qui devraient prendre deux ans, et le magnat de l’immobilier ne s’est pas encore assis dans le bureau Ovale à la Maison Blanche. Difficile, donc, de tirer un bilan – positif ou négatif – dans l’optique de l’élection présidentielle française, qui a lieu les 23 avril et 7 mai. Tout comme il est difficile de dresser un parallèle entre la France et les Etats-Unis : Trump était le candidat d’un des deux grands partis, alors que Marine Le Pen reste la candidate d’une formation tierce, qui n’a pas exercé le pouvoir au niveau national. Mais toute victoire populiste à l’étranger reste bonne à prendre pour elle.