La France va renvoyer un Soudanais dans son pays
La France va renvoyer un Soudanais dans son pays
Par Maryline Baumard
Arrêté dans la jungle de Calais le 26 octobre, un Soudanais va être renvoyé dans son pays. Amnesty International s’inquiète, les Soudanais de retour étant exposés à de graves violations de leurs droits humains.
Le 24 août, des migrants soudanais dans la jungle de Calais avant qu’elle ne soit démantelée fin octobre. | Michel Spingler / AP
Baker vivait dans la jungle de Calais. Le 26 octobre, au troisième jour de démantèlement de la jungle, il a été interpellé et transféré vers le centre de rétention de Vincennes.
Mardi soir 22 novembre, il devrait être renvoyé dans le pays qu’il a fui. Il doit prendre le vol de 21 h 20 de la Qatar Airways. Après une escale à Doha, il sera retourné au Soudan dans une région, le Kordofan, dont la situation n’a rien à envier au Darfour. « La situation des droits humains au Soudan continue d’être particulièrement inquiétante », insiste en effet Amnesty International, qui rappelle que « les ressortissants soudanais originaires de régions en conflit, tel que le Darfour, le Kordofan du Sud ou encore l’Etat du Nil bleu, ne doivent pas être renvoyés au Soudan ». Ces défenseurs des droits de l’homme estiment en effet qu’« ils y sont exposés à un risque réel de violations de leurs droits humains dès leur arrivée, y compris à Khartoum, par les services de sécurité, notamment de la part du National Security Intelligence Service (NISS) ».
Pour Jean-François Dubost, responsable du dossier à Amnesty, « les agents des services de sécurité, qui ont souvent été responsables de violations graves des droits humains, tels le recours à la détention arbitraire, la torture et des mauvais traitements, interrogent systématiquement les personnes renvoyées au Soudan. Le risque est amplifié par le fait que les autorités leur imputent un supposé soutien aux groupes armés ».
« Des procédures d’éloignement non conformes au droit international »
Tous les Etats ont l’interdiction absolue de renvoyer toute personne vers un pays où elle serait exposée à des violations graves de ses droits humains. C’est un des principes fondamentaux que doivent respecter les signataires de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés. Or dans le cas précis de Baker, M. Dubost estime que « l’obligation de quitter le territoire français a été décidée sans qu’il y ait eu un examen approprié et approfondi de la situation individuelle de cette personne au regard des risques que chacun encourt en cas de retour au Soudan ». Amnesty International est également préoccupé par le fait que des informations confidentielles relatives à Baker ont été portées à la connaissance des autorités soudanaises.
De manière plus large, Amnesty International se dit « préoccupée par le fait que les procédures d’éloignement appliquées par les autorités françaises ne sont pas conformes au droit international, dont le droit européen des droits de l’homme ».
Les enquêtes de terrain menées auprès de ressortissants renvoyés au Soudan depuis la Jordanie ou l’Italie ont montré que ces personnes ont été arrêtées par des agents de la NISS à leur retour. Elles ont été interrogées sur leur appartenance tribale et ont affirmé aux défenseurs des droits de l’homme avoir été accusés d’être des « rebelles » portant atteinte à la réputation du Soudan, battues et torturés.
Condamnée en 2015 par la CEDH pour des renvois dans ce pays, la France avait suspendu les retour vers cette zone. Elle a renoué avec cette pratique à la fin de l’année 2015, renvoyant alors quatre Soudanais.
Face à la gravité de la situation, Amnesty a interpellé le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve.