A Davos, les patrons gardent le moral malgré les incertitudes politiques
A Davos, les patrons gardent le moral malgré les incertitudes politiques
LE MONDE ECONOMIE
Selon un sondage mené par le cabinet PwC auprès de 1 379 patrons, 38 % des dirigeants s’avouent « très confiants » quant à la croissance de leur entreprise pour l’année à venir. Le basculement vers un nouvel ordre mondial ne semble pas bouleverser leur stratégie à court terme.
La neige, le froid et les puissants sont au rendez-vous. Jamais le Forum économique mondial (WEF), qui se tient du mardi 17 au vendredi 20 janvier à Davos, en Suisse, n’avait ratissé aussi large : quelque 3 000 participants sont attendus, dont 1 200 patrons des plus grandes multinationales, 50 chefs d’Etat et de gouvernement, sans compter des universitaires, des ONG ou encore la chanteuse Shakira. Le tout sous haute sécurité.
Brexit, élection de Donald Trump, démission du chef de gouvernement italien Matteo Renzi : les turbulences politiques n’ont pas manqué ces derniers mois. Elles devraient largement animer les débats ces prochains jours dans la station des Grisons. Pourtant, depuis un an, le moral des dirigeants d’entreprise s’est (un peu) amélioré. C’est la conclusion inattendue du traditionnel baromètre présenté lundi 16 janvier par le cabinet PwC.
Selon ce sondage réalisé entre septembre et décembre 2016 auprès de 1 379 dirigeants dans 79 pays, 38 % d’entre eux s’avouent très confiants quant à la croissance de leur entreprise à un horizon de douze mois (contre 35 % pour le sondage précédent) et 29 % tablent sur une reprise de l’économie mondiale dans l’année à venir (contre 27 %).
Les yeux davantage rivés sur leurs marchés que sur les urnes
Les dirigeants d’Europe occidentale se révèlent même plus optimistes que la moyenne, se déclarant très confiants à 40 % pour leur entreprise et à 31 % pour la santé de l’économie mondiale. Au palmarès du moral concernant leur affaire, les Indiens se montrent les plus allants (71 %), les plus déprimés étant… les Vénézuéliens (13 %).
De fait, les dirigeants ont les yeux davantage rivés sur leurs marchés que sur les urnes : les incertitudes géopolitiques n’arrivent qu’à la quatrième place des menaces qui préoccupent les patrons, derrière la croissance économique indécise (82 % s’en plaignent), l’excès de régulation (80 %) et la pénurie de talents (77 %).
L’année 2017 débute pourtant sur une gigantesque incertitude concernant la politique à venir de Donald Trump, qui entre à la Maison Blanche le 20 janvier. Tout un symbole, c’est une délégation américaine anémiée qui est attendue à Davos – avec le vice-président Joe Biden, le secrétaire d’Etat John Kerry et un seul représentant de l’équipe de transition de Trump, Anthony Scaramucci –, tandis que la Chine, elle, arrive en force, emmenée par le président Xi Jinping.
Alors que le président élu américain promet un repli des Etats-Unis de la scène internationale, Pékin veut démontrer sa capacité à prendre le relais. En particulier, la menace de M. Trump de déchirer le traité de libre-échange transpacifique qui unit 12 pays de part et d’autre du Pacifique est vue comme une opportunité pour la Chine d’imposer sa domination dans la région.
« On assiste à la fin du principe cher à Deng Xiaoping, qui guidait la Chine depuis trente-cinq ans : garder la tête froide, un profil bas et ne jamais prendre le leadership », souligne André Loesekrug-Pietri, fondateur de la société de capital-investissement sino-européenne A Capital. « Chaque place abandonnée par les Etats-Unis sera prise par l’autre grande puissance mondiale qu’est la Chine », prédit Charles-Edouard Bouée, patron du cabinet de conseil en stratégie Roland Berger.
La France pointe à la 9e place
Ce basculement vers un nouvel ordre mondial ne bouleverse pas la stratégie à court terme des chefs d’entreprise. Quels sont les trois pays – à l’exclusion de celui dans lequel vous êtes basé – que vous considérez comme les plus importants pour votre organisation pour les douze prochains mois ? A cette question posée en 2011, les dirigeants plaçaient la Chine en tête, avec 39 % des suffrages, les Etats-Unis arrivant deuxième (21 %), le Brésil troisième (19 %). En 2017, les Etats-Unis, portés par une conjoncture favorable, sont plébiscités (43 %), suivis par la Chine (33 %) et l’Allemagne (17 %).
A noter que la France, d’un sondage à l’autre, reste citée par 5 % des répondants, pour se ranger à une petite neuvième place. Malgré le Brexit, le Royaume-Uni (15 %), lui, remonte en flèche au quatrième rang, alors qu’il figurait à la septième place en 2011 (7 %). Ce n’est sans doute pas un hasard si Theresa May, la première ministre britannique, sera la seule chef d’un gouvernement du G7 à faire le déplacement – jeudi – dans les Alpes suisses.
« Préoccupations sociétales »
Le vote des peuples a, toutefois, des incidences directes sur les chefs d’entreprise. Le thème officiel de Davos retenu en 2017, « un management réactif et responsable », reflète la nécessité pour les entreprises de mieux répondre aux attentes des citoyens, déstabilisés par la mondialisation.
En interrogeant en parallèle 5 000 individus dans 22 pays, PwC souligne la nette différence de perception entre le grand public et les patrons :
« Seules 38 % des personnes interrogées considèrent que la mondialisation a eu un effet fortement positif sur la circulation des capitaux, des personnes, des biens et de l’information [contre 60 % des dirigeants]. »
« En 2017, je vois quatre objectifs principaux pour répondre aux grandes préoccupations sociétales : le premier, renforcer la croissance économique, le deuxième rendre l’économie de marché plus inclusive, le troisième, maîtriser la quatrième révolution industrielle et, enfin, réinventer la coopération internationale », a prévenu Klaus Schwab, le fondateur et président du WEF quelques jours avant son démarrage.
Toutes ces forces de changement, en effet, apparaissent indissociables aux yeux des dirigeants. « Au-delà du risque protectionniste, ce qui guide nos clients, c’est le changement technologique. L’imprimante 3D et les robots permettent déjà une relocalisation de la production », insiste M. Bouée.
La France pointe à la 18e place en matière de développement solidaire
« La plupart des pays manquent d’importantes occasions de relancer la croissance économique et de réduire les inégalités, car le modèle et les outils de mesure de la croissance utilisés par les décideurs politiques depuis de nombreuses décennies nécessitent d’importants ajustements » : le Forum économique mondial a publié, lundi 16 janvier, un classement des pays en fonction non pas de leur PIB mais de leur croissance inclusive. Cet indice de développement solidaire a été calculé à partir…