En Suède, la semaine des 30 heures ne fait pas l’unanimité
En Suède, la semaine des 30 heures ne fait pas l’unanimité
LE MONDE ECONOMIE
Face à la multiplication des arrêts maladie, plusieurs entreprises et administrations ont décidé de réduire le temps de travail. Mais les syndicats n’y sont pas forcément favorables.
Le passage aux 30 heures par semaine a notamment été testé dans l’industrie automobile. | SVEN NACKSTRAND / AFP
Réduire le temps de travail pour améliorer la santé des salariés sans sacrifier la productivité. Entre 2010 et 2015, les arrêts maladie, causés en partie par le stress lié au travail, ont augmenté de 71 % pour les femmes et de 63 % pour les hommes en Suède. Contre le mal-être de leurs employés, plusieurs municipalités et entreprises ont donc décidé de diminuer le temps de travail hebdomadaire.
A la maison de retraite de Svartedalen, à Göteborg, les aides-soignantes sont repassées aux 40 heures le 31 décembre, après avoir expérimenté pendant deux ans la semaine de 30 heures, à salaires identiques. « L’environnement du travail s’est amélioré, tout comme la santé des employés et la qualité des soins portés aux résidents », assure Daniel Bernmar, l’adjoint au maire, dont le parti, le Parti de gauche, a porté le projet.
Mais en face, l’opposition conservatrice ne décolère pas. Elle dénonce depuis le début le gaspillage d’argent public qui a été fait. L’expérimentation a coûté 6 millions de couronnes (635 000 euros) par an et il a fallu recruter une quinzaine d’aides-soignantes supplémentaires. L’adjoint au maire conteste : la baisse du chômage et des congés maladie a en fait réduit de moitié la facture. « Le problème est que l’Etat a empoché la différence et, tant qu’il n’est pas prêt à financer ce genre d’initiatives, ce ne sera pas possible de la généraliser. »
Travailler moins mais plus longtemps
Le 1er janvier, la majorité de gauche a donc décidé de créer un fonds doté de 2,1 millions d’euros destiné à financer des projets ponctuels dans des secteurs où les arrêts maladie s’envolent. Les assistantes sociales d’un quartier défavorisé pourraient être les prochaines à voir leur temps de travail écourté. La mesure aura beau être limitée dans le temps, « des études ont montré qu’un changement, même de court terme, pouvait avoir des effets durables », insiste Daniel Bernmar.
A l’hôpital de Sahlgrenska, où les infirmières du service de chirurgie orthopédique testaient les 30 heures depuis l’automne 2014, la direction a décidé de prolonger l’expérience jusqu’en juin 2017. Alors que le service n’arrivait plus à recruter, ses effectifs sont désormais au complet, au point que l’une des salles d’opération, qui avait dû fermer faute de personnel, a pu rouvrir.
Dans le privé, plusieurs entreprises ont aussi sauté le pas. Pionnier, le concessionnaire Toyota de Mölndal, dans la banlieue de Göteborg, a adopté la semaine de 30 heures pour ses mécaniciens dès 2002, avec deux équipes en rotation sur douze heures, évitant de dispendieux travaux d’agrandissement. Résultat : une augmentation de la productivité et des salariés ravis, qui n’excluent plus de rester dans l’entreprise jusqu’à leurs 65 ans, âge légal pour obtenir une retraite à taux plein.
Des sociétés dans les secteurs des nouvelles technologies ou de la communication ont, elles, adopté la journée de six heures et plusieurs municipalités ont annoncé des projets similaires à ceux menés à Göteborg.
Le contre-exemple des « 35 heures à la française »
Pour autant, les syndicats ne poussent pas à la généralisation de ces mesures. « C’est un objectif sur le long terme, quand l’économie le permettra, note Joa Bergold, experte auprès de la puissante centrale syndicale LO. Dans le contexte de fragmentation de l’emploi, notre priorité est de défendre le droit au plein-temps et à l’aménagement de son emploi du temps. » Elle ajoute qu’entre une baisse du temps de travail et une augmentation des salaires, « les adhérents de LO choisiront majoritairement une hausse de revenus ».
Le patronat, pour sa part, brandit les « 35 heures à la française », comme l’exemple à ne pas suivre. « Même si cela fonctionne pour certaines entreprises, ce n’est pas applicable à l’économie entière, affirme Jonas Frycklund, économiste de la Confédération des entreprises suédoises. C’est un joli rêve, mais cela coûterait beaucoup trop cher. »
Mi-janvier, la porte-parole des Verts et numéro deux du gouvernement, Isabella Lövin, a annoncé une consultation sur le stress au travail. Plutôt que la semaine des 30 heures, elle plaide pour rendre possibles les interruptions de carrière rémunérées.