Une nouvelle banque chinoise pour financer les infrastructures de l’Afrique
Une nouvelle banque chinoise pour financer les infrastructures de l’Afrique
Par Sébastien Le Belzic (chroniqueur Le Monde Afrique, Pékin)
L’établissement asiatique commence à s’ouvrir au continent africain et se veut une alternative à la Banque mondiale, explique notre chroniqueur.
Son nom n’est pas forcément explicite, mais la nouvelle Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (BAII) s’ouvre au continent africain. L’Ethiopie et le Soudan sont les nouveaux membres africains de cette banque. Après l’Egypte et l’Afrique du Sud, leur arrivée porte à quatre le nombre de pays africains représentés dans cette nouvelle institution dirigée par la Chine. L’annonce officielle est attendue en juin, mais cet élargissement a été confirmé ces dernières semaines par le président de la BAII, le Chinois Jin Liqun. D’autres pays africains suivront en 2018, dont l’Algérie, la Libye, le Nigeria et le Sénégal.
Cinquante-sept pays composent actuellement cette institution créée en décembre 2015 comme une alternative à la Banque mondiale. Ils seront dans les prochains mois quatre-vingt-deux membres avec pour vocation de financer des projets d’infrastructures partout dans le monde, et notamment en Afrique. Pour l’instant, seuls six chantiers au Pakistan, au Tadjikistan et en Indonésie ont été financés pour un montant de 829 millions de dollars (779 millions d’euros).
Prêteur international
Jin Liqun a annoncé vouloir placer l’Afrique au cœur de la stratégie de la BAII. « Le A de notre institution signifie autant Asie, qu’Afrique ou Amériques, a annoncé cet ancien fonctionnaire de la Banque mondiale et vice-ministre chinois des finances. Nous souhaitons développer des projets en Afrique, en coopération avec la Banque mondiale et la Banque africaine de développement afin de soutenir le processus d’industrialisation du continent. »
La BAII marque symboliquement le rôle de la Chine en tant que prêteur international. En Afrique, l’Exim Bank, la banque chinoise d’import-export, est déjà en pointe avec le secteur bancaire de développement. Elles concentrent à elles deux plus de 90 % des prêts chinois accordés aux Etats africains.
Dans un entretien au Financial Times, Carlos Lopes, ancien directeur de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, a salué ce mouvement d’ouverture de la BAII à l’Afrique. « L’arrivée de pays africains est très importante. L’Ethiopie, par exemple, devrait profiter pleinement des prêts de la BAII. C’est une façon pour l’Afrique de montrer qu’elle n’est pas juste un récipiendaire de l’aide chinoise, mais qu’elle participe et soutient la politique chinoise sur le continent. Avec l’élection de Donald Trump, il faut s’attendre à ce que davantage de pays africains se tournent vers la Chine. »
Domination chinoise
Les Etats-Unis de Donald Trump se placent en retrait de ce mouvement. Le nouveau président américain, trop occupé à protéger ses frontières, est opposé à toute forme de financement multilatéral. Déjà, sous la présidence Obama, les Etats-Unis se sont mis à l’écart de la BAII qui est, selon eux, est un instrument de domination chinoise.
Symbole de cette ouverture au continent africain, l’AIIB vient d’offrir un poste de conseiller stratégique à Ngozi Okonjo-Iweala, l’ancienne ministre des finances du Nigeria. Mais un débat reste encore à trancher à Pékin : avec l’ouverture de la BAII à ces nouveaux membres, la place de la Chine sera forcément diluée. Actuellement, le pays bénéficie d’un droit de veto de facto avec 26 % des sièges, mais il pourra remettre en cause sa place à mesure que de nouveaux pays viendront s’asseoir à la table de la nouvelle banque qui siège à Pékin.
Sébastien Le Belzic est installé en Chine depuis 2007. Il dirige le site Chinafrica. info, un magazine sur la « Chinafrique » et les économies émergentes.