Le « carnet de campagne » caché du Medef
Le « carnet de campagne » caché du Medef
Le Monde.fr avec AFP
Souffrant d’une image négative, le syndicat patronal communique sur ses idées pour la présidentielle sous la forme d’un roman, sans prévenir ses lecteurs.
Pierre Gattaz lors de son accession à la présidence de la principale organisation patronale française, le Mouvement des entreprises de France (Medef), le 3 juillet 2013. | ERIC PIERMONT / AFP
Carnet de Campagne. Et si c’était lui ? Derrière ce titre mystérieux – voire obscur – se cache un roman écrit par un collectif de dirigeants de TPE-PME du Mouvement des entreprises de France (Medef). A l’image d’un « Vis ma vie » de chef d’entreprise en campagne, cet opus promeut les idées d’un dirigeant quinquagénaire fictif, Dominique Strella-Magivaux, qui s’apprête à devenir ministre de l’économie.
Dans la tête d’un patron de PME
Strasbourg, Marseille, Vannes, Le Havre… Dans ce récit à la première personne, le lecteur suit le chef d’entreprise, récemment impliqué en politique, dans son « tour de France » avant la présidentielle. A chaque mois, son chapitre, sa ville et sa thématique. Le livre commence à Cergy-Pontoise, en région parisienne, par la formation du narrateur fictif au management dans une grande école de commerce. Beaucoup de petits patrons ont appris le métier « sur le tas », ce qui explique, d’après Dominique Strella-Magivaux, « l’autoritarisme » ou le « paternalisme » qui leur est reproché parfois. Suivent des meetings, des soirées avec les électeurs, des interviews.
La seconde partie, plus courte, présente ses premières mesures en tant que ministre de l’économie. Au programme : « Associer les partenaires sociaux », « une vision managériale », « tenir compte des logiques territoriales ». L’ouvrage se termine sur sa lettre de mission, fournie par un président de la République et un premier ministre sans nom.
Le roman balaie ainsi les principales préoccupations des entrepreneurs, en s’appuyant sur des cas concrets, du licenciement d’un directeur commercial qui démotive son équipe aux questions de l’apprentissage, des relations avec les syndicats ou encore du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE).
Présenté sous un jour favorable, le narrateur reconnaît parfois quelques erreurs. Eloigné d’une certaine réalité, il évalue par exemple le montant moyen des retraites autour de 1 700 euros, contre un peu plus de 1 300 euros bruts mensuels, comme le lui fait remarquer un électeur lors d’un meeting.
[COMMUNIQUE] Le MEDEF publie le roman d’un chef d’entreprise imaginaire bientôt ministre de l’Economie et de l’Empl… https://t.co/o800dXGPR2
— medef (@MEDEF)
« Notre but premier n’est pas de se faire aimer »
Si rien sur la couverture du livre ne peut laisser penser au potentiel lecteur que l’ouvrage émane du syndicat patronal, le directeur du service de presse, Arnaud Delaunay, ne s’en cache pas : « C’est une démarche assez novatrice », reconnaît-il. L’objectif : trouver l’audience la plus large possible. Le Medef affirme « assumer ses positions », mais cherche à vendre ses idées derrière un pseudonyme. Dominique Strella-Magivaux n’a pas « l’effet bloquant et clivant que peut avoir la marque Medef », admet « malheureusement » M. Delaunay. Seule une signature en toute fin d’ouvrage informe les lecteurs de la source.
L’image du syndicat patronal, et de son président Pierre Gattaz, s’est en effet détériorée. Selon un sondage BVA réalisé en avril 2016, près de deux Français sur trois en ont une mauvaise opinion (64 %), un résultat en hausse de sept points par rapport à 2014. « Ce n’est pas étonnant, car nous présentons un discours assez clair et sans langue de bois, on aime bien nous caricaturer, réplique M. Delaunay. Notre but premier n’est pas de se faire aimer. »
Le Medef a beau nier tout choix partisan, ce projet de politique-fiction, initié il y a six mois, met tout de même en exergue des propositions proches des candidats François Fillon (Les Républicains) et Emmanuel Macron (En marche !).
Carnet de Campagne. Et si c’était lui ? (Cithéa Communication, 126 pages, 8,49 €) a été tiré à 2 000 exemplaires.