« A Rome, la Villa Médicis est devenue un lieu de culture ouvert à tous »
« A Rome, la Villa Médicis est devenue un lieu de culture ouvert à tous »
Grâce à une programmation riche et gratuite, l’Académie de France à Rome est devenue un lieu de culture très apprécié des jeunes, salue dans sa chronique l’étudiant Reda Merida.
L’entrée de la Villa Medicis - Académie de France, à Rome. | Villa Medicis - Thibaut de Rohan
Chroniques romaines. Reda Merida, jeune Algérien étudiant les sciences politiques à Lille, raconte son année d’échange Erasmus dans la capitale italienne.
Juchée sur le mont Pincio, à Rome, elle est l’un des plus importants leviers du rayonnement de la France à l’étranger, merveille du XVIIe siècle et haut lieu d’art et de culture. Il faut gravir les 135 marches qui mènent de la place d’Espagne à la Trinité des Monts pour atteindre la Villa Médicis, lieu gorgé d’histoire et de lumière, indéniablement l’un des plus beaux endroits que j’ai visités dans la capitale italienne, et où je reviens souvent.
J’ai en effet été agréablement surpris de découvrir que cette maison d’artistes, aussi prestigieuse qu’elle soit, est ouverte à un public large et varié. J’y suis venu pour la première fois lors de la Notta Bianca, en octobre, durant laquelle plusieurs manifestations artistiques se sont tenues jusqu’au lever du jour. Et depuis les occasions de pénétrer cette maison d’artistes ont été nombreuses : expositions, concerts, conférences, ou juste pour me prélasser sur le sofa de la cafétéria qui offre une vue imprenable sur la Ville éternelle.
D’ailleurs, pour les étudiants et les jeunes en général de la capitale italienne, qu’ils soient férus d’art ou complètement novices, la Villa est devenue le nouveau lieu de culture grâce à une programmation riche et diversifiée, et la gratuité de quasi tous les événements.
Des ateliers à l’attention des étudiants de tous âges
Chaque semaine, la Villa organise « Les Jeudis des plus jeunes » en invitant l’après-midi des chercheurs et des grandes figures de la création pour animer des ateliers destinés à faire découvrir les métiers de l’art aux élèves et étudiants de tous âges.
Le soir, débats, performances, démonstrations, concerts, projections sont organisés pour que ces artistes et chercheurs partagent leur travail et leurs questionnements avec un public beaucoup plus large. « Les expositions et discussions à la Villa Médicis sont incroyablement inspirantes, ouvrir la Villa pour des personnes ordinaires comme toi et moi permet de saisir le vrai sens de l’échange culturel, c’est un bon moyen pour démocratiser la culture », estime Michelle Pannars, une camarade allemande, étudiante en relations internationales.
La villa Médicis organise de nombreux événements gratuits. | GIORGIO BENNIS / Villa Médicis
Curieux de cette gestion des lieux, apparemment nouvelle, j’ai voulu rencontrer la directrice pour en parler. Un bref passage à l’accueil et quelques échanges d’e-mails ont suffi pour fixer un rendez-vous avec Murielle Mayette, qui m’a accueilli une semaine après dans son bureau (digne d’un bureau présidentiel) avec chaleur et beaucoup d’enthousiasme.
« Quand je dirigeais la Comédie-Française, je menais la même politique culturelle afin de remettre la culture au centre de la vie des jeunes », m’a-t-elle expliqué. Avec l’objectif de démocratiser la culture, la Villa a aussi rejoint le projet App18, mis en place par le gouvernement l’année dernière, qui attribue aux Italiens fraîchement majeurs une bourse de 500 euros, à ne dépenser qu’en activités culturelles.
« Avant, la Villa paraissait très fermée et inaccessible, alors que là on peut parler avec des intellectuels qui pourraient nous intéresser, avec qui on peut aller boire un verre après et discuter de nos idées », note Lina Skalli, une amie marocaine, étudiante en architecture. Les différents événements auxquels elle a assisté l’ont beaucoup aidée dans l’élaboration de son mémoire sur l’utopie et l’urbanisme : « Les conférences sont bourrées de références, tu as quinze films à voir et quinze livres à lire quand tu en sors ! »
Des personnes illustres y ont séjourné
Le côté ruche est d’autant plus fort qu’en tant qu’Académie de France à Rome, la Villa Médicis a pour mission d’accueillir des artistes et des chercheurs. Y ont séjourné, par le passé, Victor Baltard, l’architecte des Halles de Paris, Charles Garnier, qui fit construire l’Opéra du même nom à Paris, Hector Berlioz, Georges Bizet, Charles Gounod, Claude Debussy, David d’Angers et bien d’autres.
Aujourd’hui, dans le cadre de la mission Colbert, la Villa accueille une quinzaine de pensionnaires soigneusement sélectionnés sur concours qui, durant une année, sont logés en son sein et bénéficient d’une bourse qui leur permet de subvenir à leurs besoins et poursuivre leurs travaux. Ils partagent les lieux avec une autre quinzaine d’artistes boursiers des instances et fondations qui les ont sélectionnés (Fondation Lagardère par exemple). L’Académie de France s’est également ouverte sur l’étranger, en acceptant des résidents d’autres pays, du moment qu’ils maîtrisent le français.
Ces pensionnaires croiseront au cours de leur séjour les artistes qui viennent à la Villa Médicis à l’occasion de la programmation pour deux ou trois jours, ainsi que les mentors qu’ils se seront choisis dans le cadre d’un programme de parrainage mis en place par la directrice, qu’ils soient artistes, galeristes, critiques d’art, programmateurs, etc.
Toutes ces interactions entre résidents de différentes nationalités, artistes, intervenants et parrains contribuent à faire de la Villa Médicis un lieu culturel à part. « Durant les événements de la programmation, un jeune étudiant en architecture, par exemple, vient ici voir un architecte paysagiste à 19 heures, il pourra après échanger avec des personnes plus âgées avec lesquelles il assistera également à un concert à 20 heures. C’est une occasion de rencontres », m’a expliqué Cristiano Leone, le responsable de communication de la Villa.
C’est cette « mixité intergénérationnelle » qui a plu à Alix Buisseret, étudiante belge en histoire de l’art qui a participé à un workshop sur le dessin.
Comme Lina, Michelle, Alix et moi, beaucoup d’autres jeunes bénéficient de cette programmation et de cette politique d’ouverture menée à la Villa Médicis. Et espèrent que d’autres institutions culturelles s’en inspireront…
Voici les précédentes chroniques romaines de Reda Merida :
A bientôt !