Un an après la fermeture de Zone Téléchargement, son « clone » le remplace, presque
Un an après la fermeture de Zone Téléchargement, son « clone » le remplace, presque
Une étude présentée le 9 octobre par la Hadopi donne des pistes complémentaires sur le fonctionnement des annuaires de liens de téléchargement.
Un clone de Zone Téléchargement. / Capture d'écran
28 novembre 2016. C’est un coup de tonnerre dans le petit monde du téléchargement illégal. Le jour même, le site Zone Téléchargement, principal site francophone de liens de téléchargement illégal, est fermé par la gendarmerie au terme d’une enquête débutée en 2014, et ses administrateurs sont interpellés.
Aussitôt, des copies plus ou moins fidèles au site original apparaissent en ligne. La plupart ne dureront pas longtemps : ces sites reprennent l’apparence de Zone Téléchargement, mais pas son contenu. Près d’un an après la disparition du site, un seul semble avoir vraiment repris le flambeau, un clone hébergé sur un nom de domaine en .ws (îles Samoa).
Si ce « nouveau Zone Téléchargement » connaît un succès important, au point d’approcher sans l’atteindre le trafic de son prédécesseur, c’est notamment parce qu’il fonctionne autour d’une équipe très active d’« uploaders », note la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi), l’organisme chargé de lutter contre le téléchargement illégal, dans une étude publiée le 9 octobre.
Une croissance effectuée en deux étapes
La quasi-totalité des contenus mis en ligne sur le site sont le fait d’une poignée de comptes utilisateurs – quatorze qui ont mis en ligne 90 % des contenus –, sans que l’on puisse savoir si ces comptes correspondent ou non à des personnes différentes.
L’analyse des fichiers proposés au téléchargement par le site montre que sa croissance s’est effectuée en deux étapes : de décembre à février, 1 230 fichiers étaient ajoutés en moyenne chaque semaine sur le site, vraisemblablement afin de constituer un catalogue au plus vite. A partir de mars, les ajouts concernaient essentiellement de nouvelles sorties, et se faisaient donc à un rythme sensiblement plus faible.
Si des clones de sites fermés apparaissent et se régénèrent en quelques mois, y compris lorsque leurs administrateurs sont arrêtés (dans ce cas, remis en liberté après plus de trois mois de détention provisoire), le jeu du chat et de la souris est-il utile ? Pour la Hadopi, les actions contre ces sites d’annuaires restent déterminantes, ne serait-ce que parce que les sites touchés ne retrouvent jamais le niveau d’audience de leurs prédécesseurs.
En revanche, la Haute Autorité estime que certaines actions antitéléchargement illégal pratiquées dans d’autres pays, allant d’un message explicatif sur la page d’accueil d’un site fermé à des accords avec les moteurs de recherche pour empêcher les « clones » de remonter dans les résultats de recherche, pourraient avoir un effet important. A condition de ne pas accidentellement faire « remonter » dans les résultats d’autres copies d’un site - dans le milieu ultraconcurrentiel des sites de téléchargement illégal, il est courant de voir des concurrents préparer par anticipation des copies de sites populaires, pour récupérer le traffic de sites fermés par les autorités. L’adresse du clone de Zone Téléchargement étudié par la Hadopi a d’ailleurs été réservée dès 2014 - sans que l’on sache si elle l’a été par des membres de l’équipe originale du site ou non. Le nom de domaine était donc prêt à accueillir une copie avant que le site ne soit fermé.
Rôle-clé des pratiques d’« obfuscation » de liens
Surtout, la Hadopi note que le modèle économique de ces sites dépend très largement des pratiques d’« obfuscation » de liens (référencement qui cherche à masquer l’existence de liens), des sites liés à ceux de téléchargement. Leur rôle est simple : lorsqu’un internaute souhaite télécharger un fichier, il n’est pas renvoyé directement sur la page de téléchargement, mais passe d’abord par l’un de ces raccourcisseurs de liens un peu particulier. Ces services remplissent une double mission : cacher l’adresse de la page où sont hébergés les fichiers, pour compliquer la tâche des ayants droit, et afficher des publicités pendant quelques secondes.
Pour la Hadopi, ces services sont totalement liés aux plates-formes de téléchargement : celle utilisée par Zone Téléchargement reçoit 99,98 % de son trafic depuis le site de téléchargement, selon ses observations. La Haute Autorité recommande donc que ces services fassent l’objet de mesures spécifiques – la plus simple étant de les ajouter à la liste des sites sur lesquels les grandes régies publicitaires refusent de publier leurs annonces. Ce qui limiterait drastiquement les revenus que peuvent tirer les administrateurs de sites de téléchargement.
Il n’existe cependant pas de mesure magique pour empêcher la réapparition de « clones », note la Hadopi. Mais un ensemble de mesures peuvent porter leurs fruits : la nouvelle version de Zone Téléchargement ne comporte plus de pages spécialisées dans le téléchargement de musique. Le résultat, estime la Haute Autorité, du développement combiné d’une offre légale attractive (YouTube, Deezer, Spotify, etc.) et de procédures intentées, notamment par la Sacem contre les sites permettant le téléchargement illégal.