Forbidden Stories, la plate-forme qui protège l’information
Forbidden Stories, la plate-forme qui protège l’information
LE MONDE ECONOMIE
Soutenue et financée par Reporters sans frontières, le site permet à un journaliste de sauvegarder ses données sensibles et de laisser des instructions en cas d’arrestation, d’enlèvement ou d’assassinat.
Une journaliste mexicaine, lors d’une manifestation à Mexico, le 15 juin, un mois après le meurtre de son confrère, le reporter Javier Valdez, dans le nord-ouest du pays. / PEDRO PARDO / AFP
Postée sur Facebook, sa vidéo lui a coûté la vie. Le journaliste mexicain Cecilio Pineda a été assassiné, début mars, deux heures après avoir accusé un député de l’Etat de Guerrero (sud-ouest du Mexique) de liens avec le crime organisé. Cette vidéo est désormais accessible sur le site Web Forbiddenstories.org. Lancée jeudi 2 novembre, la plate-forme vise à sécuriser, publier et poursuivre les enquêtes des journalistes tués ou arrêtés dans le monde entier.
Soutenue et financée par Reporters sans frontières (RSF), Forbidden Stories (« Histoires interdites ») propose aux professionnels menacés de mettre à l’abri leurs informations. « D’un clic, le journaliste sauvegarde ses données sensibles, puis nous laisse des instructions en cas d’arrestation, d’enlèvement ou d’assassinat », explique le journaliste français Laurent Richard, créateur de la plate-forme.
« Grâce à notre outil, les enquêtes pourront rester en vie. »
Pour déjouer les risques de piratage, le site bénéficie du système de cryptage mis en place par Edward Snowden, le célèbre lanceur d’alerte à l’origine, en 2013, du scandale d’espionnage de l’Agence nationale de sécurité (NSA) américaine. « Son logiciel, SecureDrop, hébergé sur le navigateur Tor, garantit l’anonymat des échanges », précise M. Richard, rédacteur en chef de l’agence Premières Lignes, qui produit notamment l’émission « Cash Investigation ».
Depuis dix ans, plus de 700 journalistes sont morts dans l’exercice de leurs fonctions. « Grâce à notre outil, les enquêtes pourront rester en vie. » D’autant qu’elles pourront être vérifiées et terminées par des confrères du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), dont 96 médias sont membres, partenaire de l’initiative. Les révélations pourront ensuite être diffusées à grande échelle sur les réseaux sociaux. « C’est une arme de dissuasion contre les commanditaires de ces crimes », espère M. Richard, qui lance un appel aux dons pour pérenniser sa plate-forme.
Après l’histoire de Cecilio Pineda, le site diffusera celle de Javier Valdez, autre reporter mexicain criblé de balles, mi-mai, dans le nord-ouest du Mexique. En 2017, onze journalistes ont été tués dans ce pays, soit plus qu’en Syrie (9 morts) ou en Irak (8 morts), selon RSF. « La lutte contre ce fléau passe par le partage d’informations », milite M. Richard. Révélés par l’ICIJ, dont Le Monde fait partie, les « Paradise Papers » et les « Panama Papers » ont déjà prouvé l’efficacité du journalisme collaboratif.