Artcurial se diversifie dans l’immobilier de prestige
Artcurial se diversifie dans l’immobilier de prestige
Par Nicole Vulser
La troisième maison d’enchères en France a signé mardi le rachat du groupe John Taylor, qui appartenait à la famille Pastor.
Il est des mariages arrangés tout à fait pertinents, auxquels le commun des mortels ne songe guère. L’acquéreur de l’Aston Martin DB4 convertible série 5 de 1963, adjugée pour 1,4 million d’euros par Artcurial au Salon Rétromobile en février 2016, cherche peut-être un confortable pied-à-terre parisien. Il pourrait garer son jouet dans l’allée du jardin d’un hôtel particulier de 727 m2 donnant directement sur le parc Monceau. Ce bien immobilier est justement mis à prix à 17,4 millions d’euros par John Taylor, l’un des plus prestigieux réseaux immobiliers de luxe dans le monde. Ses actionnaires actuels sont les quatre héritiers de l’homme d’affaires monégasque Michel Pastor, également présents, de façon minoritaire, dans le tour de table d’Artcurial, qui acquiert aujourd’hui John Taylor.
Nicolas Orlowski, PDG du groupe Artcurial, troisième maison d’enchères en France (après Christie’s et Sotheby’s), a signé à Monaco, mardi 28 novembre, le rachat, pour un prix non communiqué, de 100 % de John Taylor. Ce groupe fondé à Cannes (Alpes-Maritimes) en 1864 se définit comme « l’interlocuteur immobilier privilégié des clients internationaux avec un patrimoine supérieur à 30 millions de dollars ».
En mettant en commun son propre réseau dans 14 pays et ses partenaires franchisés, l’entreprise possède 6 000 biens en portefeuille, dont la valeur dépasse les 14 milliards d’euros. Le groupe John Taylor vise strictement une clientèle fortunée, tout à fait à l’abri du besoin puisque le prix moyen des transactions réalisées s’élève aujourd’hui à 5,5 millions d’euros. Atout supplémentaire, John Taylor détient une base mondiale de 50 000 clients, dont le porte-monnaie permet de s’offrir des folies en salles des ventes.
Une clientèle mondialisée, à très fort patrimoine
Cette acquisition s’effectue « entièrement sur fonds propres, sans augmentation de capital chez Artcurial et sans endettement », a précisé au Monde M. Orlowski, en précisant qu’il restait en trésorerie « de quoi procéder à d’autres acquisitions ». Il se dit persuadé que « l’intermédiation restera toujours importante, à l’avenir, dans l’immobilier de prestige » et mise sur la complémentarité des deux groupes, spécialisés dans une clientèle mondialisée, à très fort patrimoine. Le PDG d’Artcurial parie sur la croissance du nombre de milliardaires sur la planète (il en espère 2 000 nouveaux dans les cinq ans). Il compte aussi « innover » dans le marché de l’immobilier de prestige, qu’il juge aujourd’hui « trop classique et traditionnel ».
Revenir en somme à l’esprit pionnier du fondateur, John Taylor, un jardinier qui entretenait la somptueuse villa d’un aristocrate britannique sur la Côte d’Azur, avant de se lancer lui-même dans la vente de terrains, puis de créer une agence immobilière, une banque, un service de bagages, une librairie… Nicolas Orlowski compte s’investir de façon opérationnelle dans la gestion de John Taylor : il en prendra la présidence, succédant à Delphine Pastor.
En reprenant en 2001 la galerie d’art et la librairie Artcurial, détenues par L’Oréal, Nicolas Orlowski a profité de la fin du monopole des commissaires-priseurs sur les enchères publiques pour créer sa maison de ventes. Détenteur du bail de l’hôtel particulier de Marcel Dassault au bas des Champs-Elysées, il s’est allié à des actionnaires clés, les familles Pastor (moins de 20 %) et Dassault (premier actionnaire) et les commissaires-priseurs, pour se lancer au moment où le marché de l’art était encore balbutiant. En quinze ans, grâce à deux principaux lieux de ventes – Paris et Monte-Carlo –, Artcurial s’est imposée. Elle a réalisé l’an dernier 210 millions d’euros de ventes – soit un doublement en cinq ans – talonnant désormais ses grandes rivales.
Enchères de chevaux
Artcurial s’est spécialisée dans un secteur où la concurrence était quasi inexistante : les voitures de collection, la bande dessinée, le street art ou encore les sacs à main de luxe vintage de marques chic. Tout en continuant à couvrir l’ensemble du champ des spécialités des enchères, des beaux-arts aux arts décoratifs, mais aussi la joaillerie, les vins fins et spiritueux… Comme en témoigne le record mondial de la sculpture en marbre blanc d’Auguste Rodin représentant la princesse éthiopienne « Andromède » endormie nue sur un rocher qui s’est envolée à 3,67 millions d’euros le 30 mai. Et la maison a continué à étendre ses bureaux internationaux tout en inaugurant ses premières ventes à Hongkong en 2015.
L’acquisition de John Taylor représente la deuxième diversification d’envergure d’Artcurial qui avait investi en 2006 aux côtés de l’Aga Khan dans les ventes aux enchères de chevaux à Deauville, en prenant 25 % du capital d’Arqana. Cette dernière a réalisé l’an dernier 140 millions d’euros de ventes.