Transition énergétique : évidences à méditer
Transition énergétique : évidences à méditer
Par Francis Pisani
Les villes ont un rôle particulier à jouer dans la lutte contre le réchauffement climatique et cela nous concerne tous. Rappelons enjeux et objectifs pour accroître nos chances d’atteindre ces derniers.
Le parc Schneebergerhof, en Rhénanie-Palatinat (Allemagne). Par Kuebi = Armin Kübelbeck — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, / https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=15474434
Formule heureuse et vague, la « transition énergétique » est dans bien des bouches mais peine à se concrétiser. Elle concerne, rappelons-le, l’évolution des habitudes de consommation énergétique mais aussi de production de l’énergie. Cela signifie qu’il faut aujourd’hui passer d’un bouquet majoritairement basé sur les énergies fossiles à un mix dans lequel les énergies renouvelables occupent une place plus importante.
Il est plus facile d’en parler que de la mettre en œuvre. Comme il est plus facile de se fixer des objectifs que de les atteindre.
Concrètement, cela couvre un champ considérable : le développement de la mobilité propre et douce ; la rénovation thermique des bâtiments ; la création de parcs éoliens ou de parcs solaires ; ou encore l’installation d’éclairage intelligent, comme le proposent nombre de stratégies Smart City. Bien entendu, la liste est loin d’être exhaustive.
Ce faisant, n’oublions pas l’importance considérable des enjeux, au premier rang desquels on trouve la nécessité de ralentir, voire d’arrêter le réchauffement climatique mondial. Il s’agit aussi de maîtriser la demande et de promouvoir l’efficacité énergétique.
Mais le changement d’état d’esprit le plus difficile concerne la décentralisation de la production d’énergie. Notamment en France. Nous avons l’habitude d’un Etat fort qui contrôle tout, dans ce domaine en tout cas, d’autant plus qu’il a trouvé dans le nucléaire un outil efficace et à long terme. Seul problème : les avantages (discutés mais réels) que présentait cette organisation à l’ère industrielle perdent une partie de leurs attraits dans un monde où le développement des nouvelles énergies repose sur une production locale. La difficulté tient au fait que les institutions doivent changer, en même temps que les mentalités. Encore une fois : plus facile à dire qu’à faire.
Des objectifs ambitieux
Ça n’est pas une raison pour se croiser les bras. La France s’est fixé des plans cadres avec la loi Grenelle II de 2010 d’abord, avec la loi de transition énergétique d’août 2015, et bien sûr aussi avec l’accord de Paris signé dans le cadre de la COP21 à la fin de 2015.
Un résumé du calendrier des objectifs donne une idée de leur ambition.
En 2025, nous devons réduire à 50 % la part du nucléaire dans la production d’électricité (contre 75 % en 2014) et réduire de moitié les déchets mis en décharge.
En 2030, nous devons être parvenus à diminuer de 30 % la consommation primaire d’énergies fossiles par rapport à 2012, à porter à 32 % la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie et à 40 % la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité. Nous devons aussi réduire des émissions de gaz à effet de serre de 40 % par rapport à 1990.
Enfin, en 2050, nous devons parvenir à une réduction de 50 % de la consommation d’énergie par rapport à 2012.
Responsabilité des collectivités territoriales
Personne n’échappe ou ne devrait échapper à cet effort. Tous les acteurs doivent y participer : entreprises, services publics, collectivités territoriales, foyers, individus. Mais il semble bien que la résistance de la population joue un rôle déterminant dans la lenteur des élus comme l’indique une étude commandée par La Poste et présentée par Le Monde le 30 novembre.
Cependant, les collectivités territoriales ont, de toute évidence, une responsabilité de premier plan, dans la mesure où elles sont amenées à prendre en main et à gérer nombre de ces dossiers. Et parce qu’une large part des émissions mondiales dépend de l’action des villes. Selon les Nations unies, les villes sont responsables de 70 % des émissions de gaz à effet de serre et de 70 % de la consommation d’énergie au niveau mondial.
Les leviers ne manquent pas, qu’il s’agisse de réglementation ou de financement. Mais à cela doit s’ajouter, ne l’oublions jamais, une bonne dose de participation citoyenne. Les citoyens doivent être impliqués pour changer les modes de transport, pour réduire la consommation, pour éviter le gaspillage, pour faire évoluer les bâtiments. Même l’urbanisme est concerné, à travers le développement des circuits courts alimentaires ; à travers aussi la conception de quartiers mixtes mêlant logements, lieux de travail, écoles et commerces, ce qui peut contribuer à réduire les déplacements.
Les obstacles sont tout aussi nombreux à commencer par notre difficulté à trancher sur le ralentissement du nucléaire. Ainsi Fessenheim est-elle la seule centrale dont la fermeture est prévue pour 2018.
Difficulté inhérente au problème lui-même : nous avons tous (collectivités et foyers) du mal à bien intégrer le fait que les coûts sont visibles et immédiats alors que les gains sont encore, pour beaucoup, incertains et lointains. Ça coûte cher tout de suite alors que les bénéfices se font souvent sentir à moyen, voire à long terme. Cela se voit particulièrement dans la rénovation des logements qui est, de surcroît, particulièrement complexe et lente.
Force est de reconnaître enfin que la conscience de la gravité du problème n’est pas encore très répandue ou plutôt que nous n’avons guère confiance dans notre capacité de contribuer à l’amélioration de la situation.
Dans ce contexte, la France ne se trouve pas en mauvaise situation dans la mesure où, selon l’Agence internationale de l’énergie, elle est largement décarbonée, mais la difficulté tient au fait que « les gains les plus faciles ont déjà été réalisés ». Un vrai défi dans la mesure où notre pays « doit en même temps changer son système énergétique et son marché », c’est-à-dire passer à une plus grande part pour les sources d’énergies propres et renouvelables tout en assurant une diversification des offres.
Objectifs ambitieux dans un discours clair. Mais il ne faut pas se cacher qu’ils seront difficiles à atteindre dans les temps envisagés. D’autant que cela demande à la fois un changement d’état d’esprit et des actions coordonnées dans de multiples domaines en même temps.