Congrès PS : la crainte du trop-plein de candidats
Congrès PS : la crainte du trop-plein de candidats
Par Abel Mestre
La majorité sortante craint une dispersion des voix qui pourrait avantager l’aile gauche du parti.
Attention, trop de candidats peuvent nuire à un congrès du Parti socialiste. C’est en substance le message délivré dans une lettre signée par une centaine de responsables fédéraux et nationaux − dont Rachid Temal, coordinateur national du PS − rendue publique mercredi 17 janvier par Libération. Ce texte de deux pages prend acte de la division de la majorité sortante avant le congrès des 7 et 8 avril à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) et invite les trois candidats qui en sont issus – Luc Carvounas, Stéphane Le Foll et Olivier Faure – à « se retrouver pour constituer une vraie majorité » à l’issue du vote des militants le 29 mars.
En clair : si l’ancienne motion A a échoué à trouver une candidature unique la représentant, il faut absolument que les trois hommes s’entendent après le vote pour arriver au congrès en position de force. Et garder la main sur le parti.
« Si vos candidatures ont provoqué un regain d’attention pour le PS, elles ne peuvent porter que sur le fond et ne doivent pas se transformer en conflits de personnes qui nous ont tant abîmés », peut-on ainsi lire dans la fameuse lettre. « On a toujours fait les choses ensemble, pourquoi se diviser aujourd’hui ? Le parti n’a pas besoin de ça… », se désole l’un des auteurs de la lettre, qui souhaite garder l’anonymat.
« Je ne suis pas pour la synthèse molle »
Sur le fond, peu de chose sépare les trois socialistes. Certes, Luc Carvounas est celui qui est le plus clair sur les futures alliances du PS. Le député du Val-de-Marne se présente comme le candidat de « l’union de la gauche » et insiste sur sa clarté d’opposant à Emmanuel Macron : « Je n’ai voté ni la confiance, ni la loi antiterroriste. » Comprendre : les deux autres sont « macroncompatibles ».
C’est surtout une manière pour M. Carvounas de se débarrasser de son image d’ancien lieutenant de Manuel Valls et de cosignataire d’une tribune en faveur de la déchéance de nationalité pour les binationaux coupables d’actes terroristes, en 2016. Des stigmates que ses adversaires ne se privent pas de lui rappeler.
Olivier Faure, lui, aborde cette élection avec calme. Favori, il engrange les soutiens − le plus récent est celui de Martine Aubry ; d’autres devraient venir, comme celui du groupe de jeunes responsables locaux emmenés par Valérie Rabault, Emmanuel Grégoire et Sébastien Vincini − et met en avant le renouvellement nécessaire à la tête du PS. Le président du groupe Nouvelle Gauche à l’Assemblée nationale dit « comprendre la démarche » des auteurs de la lettre et affirme être « prêt à tous les échanges possibles » avec ses concurrents. « Je ne veux pas être dans la reconduction des anciens clivages, je veux les dépasser, prévient-il. Je ne suis pas pour la synthèse molle. » Il prône une « opposition de gauche, responsable », à Emmanuel Macron.
Pour les socialistes, un scénario catastrophe existe : celui de la dispersion des voix et de la prééminence des querelles de personnes. Outre MM. Faure, Carvounas et Le Foll, deux autres candidats au premier secrétariat se sont déclarés : Emmanuel Maurel, pour l’aile gauche, et Delphine Batho, ancienne ministre de l’écologie.
Julien Dray, proche de François Hollande, hésite à se lancer, comme on a pu l’entendre jeudi matin sur Radio Classique où le fondateur de SOS-Racisme a déclaré être candidat, avant de se rétracter sur Facebook. Et si les trois candidats issus de la majorité n’arrivent pas à s’entendre, c’est Emmanuel Maurel qui pourrait en tirer profit, par un inattendu concours de circonstances.
« Que les militants votent, on verra après »
M. Maurel s’amuse donc de toute cette agitation. « Tout cela montre qu’il n’y a plus de majorité. La famille hollando-vallsiste se divise. Les candidats qui en sont issus devront expliquer ce qui les différencie sur le fond, explique le député européen. Ceux qui pensent que le congrès est joué d’avance se trompent. »
« Je ne crois pas une seconde au scénario ubuesque d’une victoire possible d’Emmanuel Maurel », tranche pour sa part Stéphane Le Foll. Pas question pour lui de se retirer ou d’envisager dès maintenant une quelconque alliance. « Que les militants votent, on verra après pour le reste. On ne va pas passer des accords avant », note-t-il.
L’ancien ministre de l’agriculture croit en ses chances, malgré une image clivante en interne, et met en avant sa « notoriété » : « Le PS n’est pas incarné aujourd’hui dans le débat public, veut-il croire. J’ai la solidité, la cohérence et la loyauté nécessaires. » Une chose est sûre : le PS n’a pas encore tourné la page de ses divisions.