Des œuvres singulières pour commencer une collection
Des œuvres singulières pour commencer une collection
Par Roxana Azimi
La maison d’enchères Tajan organise le 30 janvier une vente dédiée à l’Art Brut, l’art naïf et la Neuve Invention. Une manière de mettre dans un même panier des artistes qui n’ont pas grand-chose en commun.
Adolf Wolfli (1864-1930), « Der Harzformige Nitnixa und Dohrh », crayons de couleur et crayons sur papier estimé entre 26 000 et 32 000 euros.
Théorisée en 1945 par l’artiste Jean Dubuffet, l’appellation Art Brut désigne des artistes singuliers supposés indemnes de toute culture. Une catégorie vaste, où l’on retrouve aussi bien des marginaux tenus pour fous, des autodidactes, des simples d’esprit tourmentés, mais aussi des créateurs très sophistiqués. Pour Jean Dubuffet, l’Art Brut devait échapper au marché. Ce dernier l’a pourtant rattrapé comme en témoigne l’enchère de 672 500 dollars (542 340 euros) décrochée par un dessin de l’Américain Henry Darger, dans la vente d’Art Brut de Christie’s le 19 janvier à New York.
Si les prix ont augmenté depuis dix ans, c’est que les collectionneurs d’art actuel se sont mis à la page. Le galeriste parisien Christian Berst le dit tout de go : 80 % de ses acheteurs viennent du monde de l’art contemporain. Pour autant en ventes publiques, le marché décolle plus difficilement de notre côté de l’Atlantique. Cela fait dix ans que Tajan organise régulièrement des ventes spécifiques. D’autres maisons, comme Cornette de Saint Cyr s’y sont aussi essayés. Avec un bonheur versatile, tant il est difficile de trouver des pièces importantes.
Une poignée d’œuvre qui sort du lot
Assez fourre-tout, la vente du 30 janvier Tajan n’échappe pas à la règle. « Ce n’est pas de qualité exceptionnelle, mais il y a de quoi commencer pour des nouveaux collectionneurs », commente sobrement Bruno Decharme, collectionneur lui-même.
Une poignée d’œuvres sort d’ailleurs du lot. C’est le cas de deux très beaux dessins au doigt de l’artiste suisse Louis Soutter, issus d’une collection privée, estimés chacun entre 80 000 et 100 000 euros. « Voir deux pièces de Soutter dans une même vente, ce n’est pas fréquent. Historiquement très peu de pièces au doigt circulent, et quand elles s’échangent c’est cher », remarque Christian Berst. Et d’ajouter : « Ces dessins réalisés au doigt sont les plus transgressifs. Un vrai rituel les accompagnait. Soutter les peignait nu, dans un état de transe. » En 2016, Christie’s avait cédé pour 265 500 euros un dessin de 1937, d’un format plus grand que ceux proposés chez Tajan.
Louis Soutter (1871-1942), « Hote (diable s’asseyant) », encre sur papier, estimé entre 80 000 et 100 000 euros. / LEA GRYZE
La vente compte enfin plusieurs dessins des années 1980 de l’artiste autrichien Johann Fischer, estimés raisonnablement entre 1 500 et 2 000 euros. « Des dessins très proches des mêmes années se sont vendus entre 8 000 et 20 000 livres sterling [7 900 et 22 700 euros] dans la collection de David Bowie », remarque Christian Berst. Mais tout n’est pas du même tonneau, notamment la suite d’œuvres récentes d’André Robillard, qui ne rivalisent pas avec ses créations plus « historiques ».