Une semaine sous les bombardements du régime syrien

Des raids aériens du régime contre la Ghouta orientale ainsi que des tirs de roquettes en provenance de l’enclave rebelle ont eu lieu, mardi 27 février, ont rapporté l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) et l’agence syrienne SANA. L’ONU a confirmé la reprise des combats et l’OSDH a annoncé la mort d’un enfant, quelques heures après le début de la trêve humanitaire décrétée par Moscou.

Dans la Ghouta orientale, région située à l’est de la capitale, Damas, la pause humanitaire est censée être appliquée quotidiennement pendant cinq heures, entre 9 heures et 14 heures, heure locale (10 heures-15 heures, heure de Paris), selon Moscou, allié du régime syrien. Des « couloirs humanitaires » devaient aussi être mis en place pour permettre l’évacuation des civils, a affirmé lundi le ministre de la défense russe, Sergueï Choïgou.

« Le régime syrien a lancé depuis 9 heures [8 heures à Paris] neuf frappes au total, dont six obus d’artillerie, deux barils d’explosifs et un raid aérien », a dit Rami Abdel Rahmane, directeur de l’OSDH. L’agence officielle SANA a de son côté fait état de tirs de roquettes par les rebelles visant les couloirs humanitaires au niveau du camp d’Al-Rafidain dans le but, selon SANA, d’empêcher les civils de quitter la région. Le général russe Viktor Pankov a accusé les rebelles d’avoir ouvert le feu sur le couloir humanitaire après son ouverture à 9 heures, heure locale (8 heures à Paris), par l’armée russe.

« Provocations »

Un enfant a été tué mardi dans la localité de Jisrine, où « au moins quatre tirs d’artillerie se sont abattus », blessant également sept civils, selon Rami Abdel Rahmane. « Il s’agit du premier civil tué depuis l’entrée en vigueur de la trêve », a déclaré le directeur de l’OSDH.

« Nous constatons que les combats continuent alors que je vous parle, ce qui rend impossible » l’envoi de convois d’aide, a déclaré Jens Laerke, porte-parole du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (Ocha) à Genève.

Interrogé sur l’avenir de la trêve, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a répondu : « Cela dépend de la manière dont se comportent les groupes terroristes, s’ils continuent à faire feu, s’ils poursuivent leurs provocations. »

Semblant de normalité

Cette trêve avait été établie quatre jours après le vote par le Conseil de sécurité de l’ONU, au terme d’âpres discussions notamment avec Moscou, d’une résolution réclamant une trêve « sans délai » de trente jours dans tout le pays. Elle n’avait pas été suivie d’effet les jours suivants. La Ghouta orientale est la cible d’une violente campagne aérienne du régime ayant fait plus de 560 victimes civiles en dix jours.

Selon l’OSDH, la nuit de lundi à mardi a été calme, à part quelques tirs d’artillerie ayant résonné juste avant l’entrée en vigueur de la trêve. Mardi matin, la situation avait retrouvé un semblant de normalité, des habitants terrés dans des sous-sols quittant leurs abris pour inspecter leurs maisons et s’approvisionner en nourriture, ont rapporté des correspondants de l’AFP. « Désormais, le calme règne », avait assuré à l’AFP Rami Abdel Rahmane.

L’annonce russe et l’arrêt partiel des bombardements se sont produits alors que l’ONU et plusieurs puissances occidentales avaient demandé l’application immédiate de la résolution du Conseil de sécurité adoptée samedi 24 février, restée lettre morte.

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Le ministre des affaires étrangères français, Jean-Yves Le Drian, est attendu mardi à Moscou. La France et l’Allemagne avaient appelé ces derniers jours la Russie à exercer une « pression maximale » sur la Syrie en vue d’une application « immédiate » de la trêve.

L’Union européenne a également exigé un arrêt immédiat des hostilités pour permettre l’acheminement de l’aide humanitaire et les évacuations médicales.

« Cette trêve est une farce »

Selon des habitants de l’enclave rebelle, dernière poche de résistance au régime de Bachar Al-Assad aux portes de la capitale, cette décision constitue toutefois de la poudre aux yeux et une réédition du scénario observé à la fin de 2016 à Alep, la grande ville du Nord reprise par le régime.

« Cette trêve est une farce, la Russie nous tue tous les jours et nous bombarde tous les jours », affirme à l’AFP Samer Al-Bouydani, un habitant de Douma. « Je ne peux pas faire confiance à ses auteurs pour quitter [la Ghouta] avec ma famille [via les couloirs humanitaires]. C’est le régime qui nous tue, comment pourrais-je lui faire confiance ? », ajoute le jeune homme de 25 ans.

Mohammed Al-Abdullah, originaire de la localité de Hammouriyé, affirme que « cette trêve n’est pas dans l’intérêt du peuple ». « Nous avons deux options : mourir ou partir. La campagne menée jusque-là était une opération d’extermination, pas une offensive normale », avance ce trentenaire, réclamant « une trêve permanente » et « l’ouverture de passages humanitaires (…) sous garanties internationales ». « Il ne peut y avoir de trêve de trente jours suivie d’une nouvelle campagne d’extermination (…). Nous avons vu ce qui s’est passé à Alep (…), c’est le même scénario qui se répète », selon lui.

Pénuries

La Russie avait annoncé en 2016 plusieurs trêves humanitaires similaires durant les combats qui visaient à reconquérir la partie rebelle de la ville d’Alep. Des couloirs humanitaires avaient été mis en place, mais peu de civils les avaient empruntés. Une offensive militaire de grande envergure avait pris le dessus sur la dernière pause humanitaire, se soldant en décembre 2016 par une défaite des rebelles et l’évacuation de milliers de combattants et de civils.

Assiégée depuis 2013, la Ghouta orientale et ses quelque 400 000 habitants subissent, en sus des bombardements, pénuries de nourritures et de médicaments. Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), plus de 700 personnes ont besoin d’une évacuation médicale urgente, tandis que 12 % des enfants âgés de moins de 5 ans souffrent d’une sous-alimentation sévère et un enfant sur trois d’un retard de croissance.

La dernière offensive menée par le régime et son allié russe a mis hors d’état plusieurs hôpitaux de l’enclave et engendré un bond des prix des aliments de première nécessité, y compris celui du pain, qui a été multiplié par 25 durant le mois de février, selon l’OCHA.

Dans la Ghouta orientale, les hôpitaux ciblés de façon « systématique »
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