Les principaux axes de la réforme de la justice
Les principaux axes de la réforme de la justice
Une nouvelle instance, avec des juges professionnels, va être expérimentée, qui jugera près de la moitié des affaires actuellement traitées aux assises.
Cinq mois après leur lancement, les « chantiers de la justice » ouverts par le premier ministre, Edouard Philippe, vont déboucher sur de premières propositions concrètes, vendredi 9 mars. En déplacement à Reims, le chef du gouvernement et la ministre de la justice, Nicole Belloubet, doivent dévoiler dans l’après-midi les grands axes de la réforme de la justice, que Le Monde a pu obtenir en exclusivité.
La loi de programmation qui devrait être présentée en conseil des ministres le 11 avril est issue des chantiers ouverts sur la numérisation de la justice ; la réforme des procédures pénales et civiles ; le sens et l’efficacité des peines ; l’organisation territoriale des juridictions.
Une réforme mineure de la carte judiciaire
« Nous ne souhaitons pas redessiner la carte judiciaire », prévient la garde des sceaux dans un entretien accordé au Monde. A la différence de ce qui avait été décidé sous la présidence de Nicolas Sarkozy, avec Rachida Dati, aucun tribunal ne sera supprimé et tous les tribunaux de grande instance seront maintenus. Dans les villes, ils seront fusionnés avec les tribunaux d’instance « en un lieu unique pour le justiciable ».
La ministre, qui souhaite faire du « sur-mesure » dans la réforme de la carte, proposera aux premiers présidents de cour d’appel et aux procureurs généraux de faire des propositions « pour constituer des pôles de compétences qui amélioreront l’efficacité de la justice et sa lisibilité pour le contribuable ». L’alignement des cours d’appel sur les régions administratives, un temps envisagé, ne sera finalement pas mis en œuvre.
Les cours d’assises dessaisies d’une partie des affaires criminelles
Dans le but « d’accélérer considérablement le jugement des affaires criminelles », le gouvernement veut essayer de dessaisir les cours d’assises de la moitié des affaires qu’elles jugent actuellement. Pour ce faire, une nouvelle instance va être expérimentée, le tribunal criminel départemental, composé de juges professionnels, qui sera compétent pour les crimes passibles de quinze ans ou de vingt ans d’emprisonnement, notamment les viols, les coups mortels et les vols à main armée.
La cour d’assises ne sera plus compétente que pour les crimes punis de vingt ans de réclusion ou de la perpétuité, tels les meurtres et les assassinats, et pour les crimes commis en récidive. En 2016, 3 280 décisions ont été prononcées par les cours d’assises, soit une hausse de 9,2 % en un an ; selon les calculs de la chancellerie, 54 % des affaires aujourd’hui jugées aux assises seraient à l’avenir traitées par le tribunal criminel.
Cette réforme marque la fin du grand principe de l’organisation judiciaire selon lequel les crimes sont jugés par les cours d’assises, avec un jury populaire, tandis que les délits sont jugés par les tribunaux correctionnels, composés de magistrats. Seule exception jusqu’à présent : les affaires de terrorisme, jugées depuis 1986 aux assises, mais par un jury de professionnels.
Des procédures civiles et pénales clarifiées
Pour les affaires pénales, le gouvernement compte permettre le dépôt de plainte en ligne et la mise en place d’un « dossier numérique unique » : à compter de la plainte jusqu’au jugement, il sera ouvert à tous les acteurs (policier, avocat, magistrat, justiciable) avec des droits d’accès différents selon les étapes de la procédure.
Au civil, il s’agira surtout de simplifier la saisine des juridictions ; « il y aura un seul mode de saisine contre cinq différents aujourd’hui », annonce Nicole Belloubet au Monde.
Fin des partenariats public-privé pour la construction de prisons et tribunaux
Au micro de France info, dans la matinée, la ministre de la justice a également annoncé que le gouvernement avait décidé d’« abandonner » les partenariats public-privé (PPP), jugés « trop onéreux ». alors que 7 000 nouvelles places de prison ont été promises par Emmanuel Macron d’ici la fin du quinquennat, au lieu des 15 000 initialement prévues.
En décembre, la Cour des comptes avait appelé, dans son rapport annuel, à « renoncer à l’avenir » à ce dispositif qui a été notamment choisi pour la construction de 14 des 187 établissements prisons de France et du nouveau Palais de justice de Paris, qui doit accueillir ses premières audiences en avril.
En réponse, la garde des Sceaux Nicole Belloubet s’était alors déjà dite « très réservée » quant aux PPP, affirmant qu’aucun nouveau partenariat public-privé n’était prévu « dans les prochaines années ».