Donald Trump le 15 mars 2018. / Evan Vucci / AP

L’immobilisme devenait embarrassant. Depuis des mois, la Maison Blanche temporisait face aux sanctions contre la Russie votées à une écrasante majorité par le Congrès au cours de l’été. Elle avait même laissé passer, le 30 janvier, la date limite fixée par les élus quant à ces sanctions prises en représailles aux interférences prêtées à Moscou lors de la campagne présidentielle de 2016. Le département du Trésor s’était contenté de publier une liste de deux cents noms, tournée en ridicule à Moscou. Il s’est ravisé, jeudi 15 mars, en annonçant une série de sanctions contre Moscou.

Un mois plus tôt, le 13 février, au cours de l’audition annuelle au Sénat consacrée aux menaces pesant sur la sécurité des Etats-Unis, Dan Coats, le directeur du renseignement national – approuvé notamment par le prochain secrétaire d’Etat, Mike Pompeo, alors responsable de la CIA –, avait dit que l’absence de réaction américaine était contre-productive. « Il ne devrait y avoir aucun doute sur le fait que la Russie estime que ses efforts ont porté leurs fruits et considère les élections de mi-mandat en 2018 comme une cible pour des opérations d’influence », avait-il prévenu.

Immobilisme

Lorsque le sénateur démocrate Jack Reed (Rhode Island) avait demandé aux responsables quelles « actions spécifiques » avaient été demandées par la Maison Blanche « pour contrer et limiter » ces efforts prêtés à la Russie, Dan Coats et le directeur du FBI, Christopher Wray, avaient bien été en peine d’en citer une seule.

« Nous ne pouvons pas faire face à cette menace, qui est sérieuse, avec une réponse de l’ensemble de l’administration, lorsque le chef de cette dernière continue de nier qu’elle existe », s’était agacé le sénateur indépendant du Maine, Angus King. Le 27 février, au cours d’une autre audition au Sénat, le responsable de la NSA, l’amiral Michael Rodgers, avait confirmé n’avoir reçu aucune « autorité » ou des « capacités supplémentaires ».

Cet immobilisme renvoyait aux tergiversations de Donald Trump face à l’analyse du renseignement américain sur l’origine des piratages informatiques et sur la manipulation des réseaux sociaux constatés en 2016. Après une brève rencontre avec son homologue russe, Vladimir Poutine, en marge d’un sommet régional au Vietnam, en novembre 2017, le président américain avait ainsi déclaré : « Chaque fois qu’il me voit, il me dit : “Je n’ai pas fait ça”, et je le crois vraiment quand il me le dit. » Donald Trump avait ensuite réitéré sa confiance dans ses services de renseignement.

Statu quo intenable

La réaction de Washington à l’attaque visant un ancien agent russe à Salisbury, au Royaume-Uni, a témoigné initialement de la même réticence. La porte-parole du président, Sarah Sanders, a ainsi refusé de mettre en cause la Russie, lundi, tout en exprimant avec fermeté sa solidarité avec le gouvernement britannique. Le secrétaire d’Etat, Rex Tillerson, qui ignorait alors qu’il s’agissait de son dernier communiqué avant son limogeage, le lendemain, n’a pas hésité, au contraire, à pointer du doigt Moscou.

Mais l’affaire de Salisbury semble avoir finalement rendu le statu quo intenable. En publiant la liste de dix-neuf personnes et de cinq entités russes désormais sanctionnées par un gel d’avoirs et par l’interdiction pour des sociétés américaines de faire des transactions avec elles, le département du Trésor est passé à l’action. Une partie des cibles renvoie aux inculpations annoncées le 16 février par le procureur spécial chargé d’enquêter sur ces interférences, Robert Mueller. Elles visent treize personnes de nationalité russe, dont un proche du président, Vladimir Poutine. L’acte d’inculpation ne décrit que les manipulations des réseaux sociaux. Le département du Trésor met également en cause des cyberattaques, dont une visant le secteur de l’énergie.

Survenant après l’expulsion de vingt-trois diplomates russes en poste au Royaume-Uni, les sanctions américaines renforcent l’idée d’un front occidental face à la Russie. Elles s’inscrivent dans un véritable climat de guerre froide entre Moscou et Washington, que la riposte attendue des autorités russes ne pourra qu’aggraver.