NDDL : la destruction de lieux de vie de la ZAD met à mal la volonté de dialogue de l’Etat
NDDL : la destruction de lieux de vie de la ZAD met à mal la volonté de dialogue de l’Etat
Par Rémi Barroux (Notre-Dame-des-Landes, Loire-Atlantique, envoyé spécial), Yan Gauchard (Nantes, correspondant)
La première journée d’intervention des gendarmes mobiles, lundi, s’est traduite par de nombreux affrontements avec les habitants de la zone et leurs soutiens, au sud de Notre-Dame-des-Landes.
Escarmouches entre gendarmes et zadistes à Notre-Dame-des-Landes, le 9 avril. / LOIC VENANCE / AFP
La première journée d’intervention des gendarmes mobiles dans la ZAD (« zone à défendre ») installée sur le site du projet abandonné d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), lundi 9 avril, va-t-elle signifier la fin de tout espoir d’une solution négociée entre les occupants et l’Etat ?
On peut le penser, tant ce qui était encore une zone à défendre semble devenu une zone à détruire. Lundi soir, le bilan dressé par les autorités faisait état de treize expulsions de sites hébergeant des occupants « illégaux », et de six démolitions de ces lieux de vie par des engins escortés par les forces de l’ordre. L’objectif réaffirmé par le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, est d’une quarantaine de sites sur la centaine qui ont été dénombrés dans le bocage, au sud du bourg de Notre-Dame-des-Landes.
Les zadistes, eux, recensent « neuf lieux de vie collectifs qui ont péri, avec leurs divers habitats particuliers brisés, leurs ateliers en miettes, leurs jardins piétinés : Planchettes, Planchouette, Lama fâché, Noue non plu, Youpiyoupi, Jessie James, Phare Ouest, Chèvrerie, 100 noms… »
Alors que les opérations militaires ont démarré dans la nuit, à 3 heures du matin lundi pour dégager la route départementale 281 à nouveau encombrée de barricades, les gendarmes, escortés d’huissiers, ont procédé aux expulsions dans des sites pour la plupart vidés de leurs habitants vers 6 heures du matin, heure légale pour une telle procédure. S’en est suivi, toute la journée, un face à face tendu entre les quelque 2 000 gendarmes et plusieurs centaines de zadistes et leurs soutiens venus les renforcer. Tirs de grenades lacrymogènes contre projectiles en tous genres, insultes contre grenades assourdissantes, le bocage a vécu une journée d’affrontements sporadiques.
La destruction des « 100 noms »
Et c’est sans doute la destruction des « 100 noms » qui a fait le plus mal. Pour les habitants de la ZAD, ce lieu représentait un projet d’agriculture différent, entrant dans les critères avancés par la préfecture, empêchant alors sa possible destruction.
Selon le collectif d’agriculteurs Copain 44, ayant animé la lutte contre le projet d’aéroport depuis plusieurs années dans la zone, ce projet « déclaré à la chambre d’agriculture » était réparti entre l’élevage de « brebis laitières avec transformation fromagère » et de la production de viande de brebis avec « formation pour la conduite de troupeaux, l’écopaturage… ». Un bâtiment de 430 m² déjà construit a été détruit par l’offensive des gendarmes. « Ce lieu était aussi un lieu de vie regroupant plusieurs habitants déclarés par trois fois auprès de la préfecture comme résidents à cet endroit », explique Copain 44. Dans l’après-midi, alors que le troupeau de brebis avait été préventivement évacué, de jeunes habitants des 100 noms emmenaient loin des affrontements et des gaz asphyxiant les trois ânesses grises, Orphée, Pilou et Murette.
Cette destruction a donc mis le feu aux poudres. « La destruction du hangar, des serres et de la bergerie des 100 noms, l’évacuation de ses ânes et de ses moutons a achevé de dévoiler l’hypocrisie absolue de la préfecture, y compris sur sa prétention affichée à conserver les projets agricoles », proteste la ZAD, dans un communiqué lundi soir.
Après la destruction de cette ferme, Dominique Fresneau, l’un des porte-parole de l’Acipa, principale association ayant combattu le projet d’aéroport, ne cachait pas sa colère et fustigeait « les promesses en l’air » faites par les autorités : « Cela fait quelques mois que l’on discute avec la préfecture, bien sûr les projets n’étaient sans doute pas ciselés comme il faut puisqu’ils étaient portés collectivement, mais on était en voie d’amener des projets individuels, et ça a coupé court. »
Appel à venir en nombre sur la ZAD
Considérant que la ferme des 100 noms portait « un vrai projet agricole, solide et pérenne », l’association dénonçait « la ligne rouge franchie par le gouvernement ». Et appelait ses soutiens « à venir en nombre sur la zone de Notre-Dame-des-Landes » dès ce mardi matin afin d’exprimer « désaccord » et « solidarité » avec les habitants du secteur. « Si la préfète continue d’ordonner des destructions de lieux de vie demain tel qu’on l’a vu avec la ferme des 100 noms, alors on se dirigera vers un César 2 [l’opération d’évacuation César lancée à l’automne 2012 avait tourné au fiasco], et ce sera pour l’Etat une erreur encore plus grande que cette intervention avortée lancée en 2012 », prédit Dominique Fresneau.
Plusieurs mouvements et associations ont aussi exprimé leur émotion : France Nature Environnement, Greenpeace, le syndicat SUD-Rail, Attac… Plusieurs milliers de personnes ont manifesté lundi soir, dans plusieurs villes de France, leur soutien aux habitants de la ZAD, dont 500 à Nantes.
Pour la préfète des Pays de la Loire, Nicole Klein, qui a souvent exprimé sa volonté de nouer le dialogue avec les diverses composantes du mouvement contre le projet d’aéroport et les habitants de la ZAD, l’expulsion des différents sites est légitime. « Les 100 noms n’ont pas déposé de projet agricole, et il s’agissait d’habitations précaires. Beaucoup ont pensé que l’Etat n’interviendrait pas. Peut-être que ça va sonner comme un signal pour des occupants pour déposer enfin un projet. La main reste tendue », avance-t-elle.
Au final, alors que cette première journée d’évacuation pouvait se conclure sur un bilan léger au regard des affrontements qui l’ont émaillée – un gendarme blessé à l’œil par un projectile, et sept personnes interpellées dont une personne placée en garde à vue pour le jet d’un cocktail Molotov, et six autres, contrôlées à bord d’un véhicule, pour infraction aux stupéfiants et transport d’armes –, la situation s’est fortement tendue. Dans la soirée, lundi, des obstacles étaient à nouveau érigés sur la départementale 281, ainsi que sur l’autre route emblématique de la ZAD, la RD 81, jusque-là épargnée par les barricades.
Les images de l’évacuation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes par les gendarmes mobiles
Durée : 01:26