L’Afnor retire sa norme alimentaire halal
L’Afnor retire sa norme alimentaire halal
Le Monde.fr avec AFP
L’Association française de normalisation avait créé en septembre 2017 cette norme vivement critiquée par les instances représentatives du culte musulman.
La norme alimentaire halal établie l’an dernier en France à titre expérimental pour les produits alimentaires transformés, vivement contestée par les autorités religieuses musulmanes, a été retirée jeudi 19 avril du catalogue, a-t-on appris auprès de l’Association française de normalisation (Afnor).
La commission de normalisation de l’Afnor chargée de ce projet, composée d’« industriels de l’agroalimentaire, de fonctionnaires, d’un représentant d’association de consommateurs et de plusieurs représentants des autorités religieuses musulmanes » en France, « s’est réunie jeudi et a décidé d’annuler cette norme volontaire », a annoncé un responsable de l’Afnor à l’Agence France-Presse (AFP).
Aucune justification ni explication n’a été apportée à la décision.
La colère du CFCM
L’Afnor supprime chaque année autant de normes qu’elle en crée. En 2017, l’association a créé 688 nouvelles normes volontaires à destinations des industriels, elle en a révisé 1 302 et en a supprimé 837.
Lors de la création de la norme halal, publiée le 15 septembre 2017, l’Afnor avait assuré qu’elle avait été préparée en lien avec le Conseil français du culte musulman (CFCM), instance représentative auprès des pouvoirs publics, et avec les organismes de certification liés aux mosquées de Paris, Lyon et d’Evry, qui ont le monopole de l’habilitation des sacrificateurs halal. Faux, avait rétorqué dans un communiqué le CFCM, qui « tient à rappeler qu’il a annoncé publiquement en avril 2015 son retrait des travaux menés par l’Afnor ».
« Nous nous étions étonnés de la prétention d’une institution chargée de service public à définir ce qui est licite et ce qui est illicite dans le domaine religieux. Cette norme avait été construite pour les industriels du secteur et se prévalait à tort de la collaboration des institutions musulmanes », a affirmé jeudi 19 avril auprès de l’AFP Slimane Nadour, l’un des responsables de la Grande Mosquée de Paris.
« Nous nous réjouissons que l’Afnor reste dans son champ de compétences et qu’elle ait annulé cette norme. Qu’il y ait un guide de bonnes pratiques dans le domaine du halal, nous y travaillons, mais c’est aux responsables du culte musulman de le définir et de le mettre en œuvre, en lien avec les industriels concernés et le ministère de l’agriculture », a-t-il fait valoir.
Aux critiques issues des autorités musulmanes s’ajoutaient celles d’observateurs extérieurs s’inquiétant de voir un pays laïc comme la France s’équiper d’une norme halal.
Un marché de 5,5 milliards d’euros ?
En l’absence d’une filière unique, il est très difficile d’évaluer le chiffre d’affaires du halal en France. Ainsi, les abattoirs ne connaissent pas la proportion de viande abattue selon le rituel qui sera réellement commercialisée comme halal. Par ailleurs, l’essentiel des ventes se fait dans des boucheries musulmanes et des épiceries de quartier, petites structures indépendantes dont la comptabilité n’est pas centralisée.
L’étude la plus reprise dans les médias a été réalisée par le cabinet Solis, spécialisé dans le marketing « identitaire » à partir de questionnaires déclaratifs. Basée sur l’hypothèse de 5 millions de musulmans en France, elle conclut que le marché s’établissait à 5,5 milliards d’euros en 2010, dont 4,5 milliards en produits alimentaires et 1 milliard en restauration hors domicile (kebab, fast-food, pizzeria).
« Ce n’est pas une étude exhaustive, mais une estimation, précise Abbas Bendali, directeur de Solis. Les musulmans sont jeunes, actifs et surconsommateurs de viande, surtout lors d’événements comme l’Aïd, les naissances, les mariages… Ils achètent à 85 % de la viande, dans des boucheries halal qui, contrairement aux boucheries traditionnelles, résistent très bien et vendent de gros volumes. »
Cette étude a été corroborée par le cabinet Xerfi, qui évoquait, en 2011, un marché de 4 milliards d’euros.