Cannes 2018 : « Une affaire de famille », le jeu des apparence selon Hirokazu Kore-eda
Cannes 2018 : « Une affaire de famille », le jeu des apparence selon Hirokazu Kore-eda
Par Jacques Mandelbaum
En compétition, le réalisateur japonais prolonge ses interrogations sur ce qui tisse les liens entre les êtres.
Hirokazu Kore-eda fait partie de ce que l’on nomme, les « habitués » du Festival (huit films sélectionnés dans « l’officielle », dont six en compétition). Avec Kiyoshi Kurosawa, Shinji Aoyama ou Naomi Kawase, il appartient à cette génération de cinéastes, nés autour des années 1960, qui a succédé, à la « nouvelle vague » nippone (Oshima, Imamura, Yoshida…), tâche relativement ingrate si l’on veut bien se remémorer l’intensité explosive et disruptive dont celle-ci, brisant elle-même avec les classiques, avait doté le cinéma japonais. De cette génération aux prises avec une si délicate généalogie, Hirokazu Kore-eda est un bel exemple.
Shoplifters (Manbiki Kazoku / Une Affaire de Famille) new clip official from Cannes – 1/2
Durée : 01:59
Artiste hanté par l’idée d’une réconciliation des mondes, ses films sont le plus souvent des mélodrames familiaux, épuisant la lancinante exigence de la réparation d’une brisure ancienne dans un monde des vivants redevable à celui des morts. Il en ressort une œuvre aux obsessions souvent remises sur le métier, empreinte de mélancolie et de délicatesse, glissant vers un fantastique du quotidien sans toujours se garantir contre un soupçon de mièvrerie.
Vitesse de croisière
Après Maborosi (1995), After Life (1998) et Distance (2001) – ses trois films les plus beaux et les plus forts –, l’auteur a adopté une sorte de vitesse de croisière à laquelle Une affaire de famille ne déroge pas. Une partie primesautière et une partie dramatique partagent le film.
Une scène du film japonais d’Hirokasu Kore-eda, « Une affaire de famille » (« Manbiki kazoku »). / LE PACTE
La première voit une famille un rien déphasée avec la société, mais joyeuse et solidaire recueillir une fillette battue par ses parents et lui dispenser l’amour qui lui manque. Ici, le père vole à la tire avec son fils, la grand-mère soutire du pognon à son beau-fils, la mère travaille à l’usine, et la fille se commet dans les peep-shows. On survit dans une maison étriquée où règne un éternel capharnaüm, mais où tout le monde est assuré de manger à sa faim et de se réchauffer au grand réconfort de la piété familiale.
Shoplifters (Manbiki Kazoku / Une Affaire de Famille) new clip official from Cannes – 2/2
Durée : 01:12
La deuxième partie, dont on ne peut rien dire sous peine de se faire justement lyncher par les futurs spectateurs, s’ingénie à mettre cul par-dessus tête ce qui se révélera être de simples apparences. L’occasion pour le cinéaste de redéployer – un peu à bon compte tout de même – ses interrogations anciennes sur ce qui tisse, de l’amour librement dispensé ou de la règle sociale qui prétend les légitimer, les liens entre les êtres.
SHOPLIFTERS - Hirokazu Kore-eda Film Trailer (Cannes 2018)
Durée : 01:45
Film japonais d’Hirokasu Kore-eda. Avec Franky Lily, Sakura Ando, Mayu Matsuoka (2 heures). Sortie en salle prochainement. Sur le Web : www.le-pacte.com/france/prochainement/detail/une-affaire-de-famille