L’Europe trouve un accord sur les énergies renouvelables
L’Europe trouve un accord sur les énergies renouvelables
Par Cécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen), Simon Roger
Le compromis porte à 32 % leur part dans la consommation européenne en 2030, contre 27 % proposés au départ par la Commission.
Blocage de la raffinerie Total de Donges (Loire-Atlantique) par les syndicalistes de la FNSEA, le 11 juin. / STEPHANE MAHE / REUTERS
Enfin quelques bonnes nouvelles venues de Bruxelles : dans la nuit de mercredi 13 à jeudi 14 juin, à l’issue d’une ultime séance de négociations clôturant cinq mois d’intenses tractations, les représentants du Parlement européen et ceux du Conseil (les Etats membres) sont enfin parvenus à un accord sur un texte majeur : la révision de la directive sur les énergies renouvelables. En revanche, ils ont échoué à s’entendre sur une version finale de la directive concernant l’efficacité énergétique.
Ces deux textes déclinent l’accord de Paris sur le climat en objectifs concrets pour les Etats de l’Union, et visent une stabilisation de la consommation énergétique (directive « efficacité » énergétique) et une progression substantielle de la part des renouvelables dans cette consommation (directive « renouvelables ») d’ici à 2030. Le compromis concernant les renouvelables est allé au-delà de la copie de départ de la Commission européenne – qui ne proposait qu’un modeste objectif de 27 % dans la consommation européenne en 2030 – portant l’ambition à 32 %, avec une clause de revoyure en 2023.
Les négociateurs se sont aussi entendus sur un objectif de 14 % de renouvelables dans le transport et, autre point sensible, ils ont acté un gel, au niveau atteint en 2020 à partir de cette date, de l’usage des agrocarburants de première génération (biodiesels, bioéthanols), avec un plafond à respecter de 7 % d’agrocarburants au maximum dans la consommation globale.
Pour ce qui est de l’huile de palme, dont les cultures extensives sont les causes d’une alarmante déforestation en Asie du Sud-Est, le Parlement européen a dû céder sur ses ambitions initiales. Ces produits ne seront pas interdits dès 2021 comme il le réclamait, mais leur usage devra être gelé au niveau de 2019, avec une diminution progressive à partir de 2023 pour une interdiction totale prévue à l’horizon 2030.
La commission n’aura aucun moyen de santionner les capitales
Les Etats membres avaient manifestement le souci de protéger les intérêts des industriels et des agriculteurs déjà engagés dans cette filière. Et prévenir les risques de recours à l’Organisation mondiale du commerce des gros producteurs, Indonésie et Malaisie. « Le plus important est d’avoir un signal politique clair : on va vers la fin des agrocarburants à base d’huile de palme et de soja », a réagi le député vert luxembourgeois Claude Turmes.
En pratique, l’objectif de renouvelables n’étant pas contraignant, c’est la Commission qui vérifiera si les Etats respectent leurs promesses, afin qu’au niveau de l’Union le cumul de leurs engagements permette d’atteindre l’objectif commun. Problème : l’institution aura certes la possibilité d’émettre des « recommandations » aux capitales, mais aucun moyen de les sanctionner.
Les discussions sur ce dossier étaient jusqu’à présent très laborieuses, l’Union européenne (UE) affichant de profondes divisions entre des pays avancés dans le déploiement des solutions renouvelables, ceux du Nord notamment, et des nations d’Europe centrale. Mais les changements de gouvernement en Espagne et en Italie ont créé une dynamique positive nouvelle dans les négociations.
Changement de pied de l’Allemagne
A Madrid, Teresa Ribera, qui s’est vu confier le 8 juin le portefeuille de la transition énergétique, s’est affichée dans le camp des progressistes dès le 11 juin, lors d’un conseil des ministres européens de l’énergie, aux côtés du Portugal, de la Suède, du Luxembourg, des Pays-Bas et de la France. Idem pour l’Italie où Sergio Costa, un proche du Mouvement 5 étoiles, est chargé de l’environnement. Les eurodéputés de ce parti « antisystème » se sont montrés très progressistes sur les questions environnementales à Strasbourg.
En revanche, le changement de pied de l’Allemagne a surpris : le pays est passé dans le camp des réticents. Chargé à la fois de l’économie et de l’environnement, le ministre conservateur Peter Altmaier (un très proche de la chancelière Angela Merkel) a qualifié d’« irréalisables » les objectifs de l’UE en termes de renouvelables au conseil du 11 juin.
« Ce chiffre de 32 % est un premier pas important pour débloquer les objectifs de transition énergétique de l’Union, estime Neil Makaroff, responsable Europe au sein du Réseau Action Climat (RAC), mais il reste insuffisant par rapport à ce qu’il est nécessaire de faire pour réduire les émissions de gaz à effet de serre comme le prévoit l’accord de Paris. » Selon une projection récente de la Commission, un objectif de 33 % sur les renouvelables et du même pourcentage sur l’efficacité énergétique permettrait à l’UE de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 46 % d’ici à 2030, déjà plus que l’engagement actuel des Vingt-Huit, fixé à 40 %.
La directive « renouvelable » doit désormais être formellement validée par le Parlement et le Conseil. Et les négociateurs de Bruxelles ont prévu de se revoir dans les prochains jours pour tenter un accord sur la directive « efficacité énergétique ». Le temps presse : il est prévu que les deux textes entrent en force au 1er janvier 2021.
Le blocage des raffineries levé
Ayant obtenu des avancées sur leurs revendications, les agriculteurs ont levé mercredi 13 juin leurs blocages de raffineries et de dépôts de carburants, organisés depuis dimanche à l’appel de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs (JA). « Il y a eu des points d’avancée, des points de déception et des engagements à travailler plus », a expliqué la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert. Les agriculteurs protestaient contre l’importation de produits agricoles, et plus particulièrement de l’huile de palme, qui ne respectent pas, selon eux, les normes françaises et européennes. Les agriculteurs ont obtenu « des éléments écrits sur le pourquoi de ces distorsions » de concurrence et des éléments sur « des accords scélérats qui se multiplient », ainsi que des garanties d’un étiquetage sur davantage de produits « qui informe et protège les consommateurs », a indiqué Mme Lambert. Un comité de rénovation des normes en agriculture se réunira le 13 juillet prochain.