TV – « Une fille dans la rivière. Le prix du pardon »
TV - « Une fille dans la rivière. Le prix du pardon »
Par Christine Rousseau
A voir aussi ce soir. Sharmeen Obaid-Chinoy relate l’histoire vraie de Saba, jeune fille victime d’un crime d’honneur (sur Planète + CI à 21 h 00).
A Girl in the River: The Price of Forgiveness (HBO Documentary Films)
Il aura fallu le meurtre par son frère de Qandeel Baloch, une star des réseaux sociaux au Pakistan, mais également Une fille dans la rivière, de Sharmeen Obaid-Chinoy, couronné de l’Oscar du meilleur court-métrage documentaire en 2016, pour que le Parlement pakistanais légifère, en octobre 2016, contre les « crimes d’honneur ». Des crimes dont les femmes sont les premières victimes. Jusqu’alors, selon une disposition du code pénal, inspiré du droit islamique, les auteurs de ces crimes pouvaient être acquittés s’ils obtenaient le pardon des proches de la victime, contre une compensation financière.
Forte d’un premier Oscar en 2012, avec Saving Face, consacré à un chirurgien revenu au Pakistan pour aider des victimes d’attaque à l’acide, Sharmeen Obaid-Chinoy a poursuivi son combat pour dénoncer le sort des femmes, tenues sous le joug de traditions archaïques. Et l’iniquité d’une loi qui protège les criminels. Comme l’illustre de manière douloureuse et souvent glaçante l’histoire réelle de Saba, l’héroïne d’Une fille dans la rivière.
C’est là, précisément, qu’aurait dû finir la jeune femme, si elle n’était parvenue, dans un dernier sursaut, à sortir du bac de toile dans lequel l’avaient jeté son père et son oncle, après qu’ils l’ont enlevée, battue et blessée au visage d’un coup de revolver. Sa faute : avoir décidé de se marier avec l’homme qu’elle aimait et non celui désigné par son oncle.
Pression sociale et familiale
Les deux hommes arrêtés n’exprimeront aucun regret. Question de fierté et d’honneur. Un terme qui revient comme une antienne dans leur bouche, tout comme dans celles de la mère et de la sœur de Saba. Question de peur et de soumission. Mais aussi dans les arguments des notables du quartier qui, au nom de la paix sociale, feront pression sur Saba, allant jusqu’à lui désigner un autre avocat que le sien, favorable au pardon. Aussi héroïque soit-elle – car rares sont les femmes qui portent plainte –, Saba sera contrainte de céder aux injonctions sociales et aux menaces pesant sur sa belle-famille.
Tout autant que ces crimes désormais bannis, c’est cette insupportable pression, cette loi du silence qui continue encore de tuer, que dénonce ce film où sourd la colère d’une jeune fille balafrée.
Une fille dans la rivière. Le prix du pardon, de Sharmeen Obaid-Chinoy (Pakistan, 2015, 40 min).