La réforme constitutionnelle, un texte à l’avenir encore incertain
La réforme constitutionnelle, un texte à l’avenir encore incertain
Par Manon Rescan
Après la suspension de son examen à la suite de l’affaire Benalla, le texte doit être de nouveau inscrit à l’ordre du jour, au cœur d’un agenda législatif déjà très chargé.
Le casse-tête, jusqu’au bout. Créer les conditions de l’adoption par l’Assemblée et le Sénat de la révision constitutionnelle était déjà un défi compliqué. L’affaire Benalla a compliqué encore un peu plus le cheminement de ce texte. En suspendant son examen, dimanche 22 juillet, le gouvernement a certes contourné la paralysie des débats orchestrée par l’opposition mais il n’a fait que repousser le problème. Il faut maintenant trouver une nouvelle fenêtre dans l’ordre du jour de l’Assemblée pour débattre du texte. Or, l’agenda des députés est déjà très chargé à la rentrée avec le retour de la loi agriculture et alimentation, la loi Elan, le projet de loi fraude, la loi Pacte…
Sans oublier que les députés doivent se lancer dans les deux autres textes de la réforme des institutions avec notamment la diminution du nombre de parlementaires. Le tout devait être examiné avant que les députés n’entrent dans le tunnel du budget qui occupe traditionnellement la fin de l’année. Faudra-t-il, alors, sacrifier le projet de loi constitutionnelle et attendre le début de l’année 2019 pour le remettre à l’ordre du jour ? « Je ne vois pas le président abandonner un projet qui lui tient à cœur », glisse une parlementaire. « Toutes les options sont possibles », estime une autre. La question doit être tranchée mardi en conférence des présidents à l’Assemblée. Si la révision constitutionnelle est reprise à la rentrée, il faudra pousser les murs et décaler au moins l’un des textes initialement prévus.
Doit-elle tirer les leçons de l’affaire Benalla
Une victime semble toute désignée : le projet de loi Pacte, texte fleuve porté par Bruno Le Maire qui prévoit la réforme de l’objet social de l’entreprise, des privatisations ou encore la réforme de l’intéressement et de la participation. La perspective de son report a été esquissée dans le JDD par François de Rugy évoquant un examen « à revoir ». Il envisage un morcellement du texte économique, avec le vote de certaines de ses mesures dans le cadre du budget. Il faudra pour cela que Bruno Le Maire accepte que sa grande loi sur laquelle ses équipes planchent depuis un long mois connaisse un nouveau report. A son agenda, le ministre de l’économie compte deux rendez-vous importants : un entretien avec le premier ministre lundi à 16 heures, et un autre avec Emmanuel Macron mardi à 19 h 30.
Autre question qui se posera à l’avenir : la révision constitutionnelle peut-elle rester en l’état ou doit-elle tirer les leçons de l’affaire Benalla ? « Il faut reprendre tout cela sur des bases nouvelles », a estimé, samedi, dans un entretien au Monde le patron du MoDem, François Bayrou. Plusieurs membres de l’opposition ont demandé que le texte soit revu au regard des événements de juillet. Les présidents des deux assemblées, Gérard Larcher au Sénat, et François de Rugy au Palais-Bourbon, ont aussi esquissé cette perspective.
Tous deux, l’un dans un entretien au Figaro, l’autre sur France 2, ont évoqué un même ajustement : donner le pouvoir aux parlementaires de convoquer des ministres afin de demander des explications sur un dossier. Sauf que l’opposition n’a plus la main. Si le texte revient à l’Assemblée, seuls le gouvernement et les rapporteurs (issus de la majorité) auront le pouvoir de déposer de nouveaux amendements. Il reviendra à eux seuls de tirer d’éventuels enseignements institutionnels de cette affaire, ou aux sénateurs qui reprendront la main sur le texte après son vote en première lecture.