Au Zimbabwe, les déboires de l’opposant Tendai Biti
Au Zimbabwe, les déboires de l’opposant Tendai Biti
Poursuivi pour avoir contesté les résultats de l’élection présidentielle, l’ancien ministre des finances s’est vu refuser sa demande d’asile en Zambie.
Figure de l’opposition zimbabwéenne, Tendai Biti, qui avait été expulsé par les autorités zambiennes après une médiatique demande d’asile politique, a finalement bénéficié, jeudi 9 août, d’une libération sous caution par la justice de son pays. Son parti, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC), s’apprête à déposer vendredi un recours contre les résultats de la présidentielle du 30 juillet, remportée au premier tour par le sortant Emmerson Mnangagwa.
« On survit. C’est dommage que dans la plus grande partie de l’Afrique on ne respecte pas l’Etat de droit ni les normes internationales. On vit pour se battre un jour de plus. Je suis content d’être à la maison », a lancé M. Biti en sortant du palais de justice, entouré par un important dispositif policier. Il y était arrivé quelques heures plus tôt, menottes aux poignets, après des heures d’incertitude sur son sort. La veille, il avait traversé dans la confusion la frontière zambienne à pied.
Avant même une décision de la justice zambienne, saisie sur le dossier, Lusaka lui a refusé l’asile, jeudi, avant de le remettre aux autorités zimbabwéennes, créant une vague de désapprobation et d’inquiétude chez les opposants zimbabwéens comme chez les observateurs, aux Nations unies ou dans les chancelleries occidentales. « L’asile lui a été refusé parce qu’il n’y a pas un effondrement de l’Etat de droit dans son pays », a justifié Dora Siliya, porte-parole du gouvernement zambien.
Libéré sous caution
Jeudi en fin d’après-midi, M. Biti, 52 ans, ancien ministre des finances du gouvernement d’union nationale (2009-2013), a été présenté à la justice zimbabwéenne, qui l’a accusé de « proclamation illégale de résultats électoraux » et de « violence sur la voie publique ». Elle lui a accordé une libération sous caution (5 000 dollars), assortie d’une interdiction de participer à des « débats politiques ou des conférences de presse » et d’une obligation de se présenter deux fois par jour à la police.
Le président Mnangagwa a souligné être intervenu personnellement. « Biti a été libéré sur mon intervention. A un moment si crucial de notre histoire, rien n’est plus important que l’unité, la paix et le dialogue », a-t-il dit sur Twitter, soulignant toutefois que le procès de M. Biti devait avoir lieu, au vu de « la gravité des accusations ».
Avant la proclamation des résultats par la commission électorale, M. Biti avait annoncé que Nelson Chamisa avait remporté l’élection, tout en défiant la commission électorale d’annoncer un résultat différent. La répression des manifestations du 1er août contestant l’annonce de la victoire de Mnangagwa a fait au moins six morts et des dizaines de blessés.
Le MDC devrait présenter vendredi son recours contre les résultats de la présidentielle, la première depuis la mise à l’écart du leader historique Robert Mugabe. Le scrutin a été remporté par Emmerson Mnangagwa (50,8 %) devant le leader du MDC, Nelson Chamisa (44,3 %). La Cour constitutionnelle aura ensuite quatorze jours pour trancher.
Visite de Cyril Ramaphosa
L’ambassadeur américain Brian Nichols, qui était présent au palais de justice de Harare, a souligné que « la communauté internationale suit de près le dossier de M. Biti », alors que dans l’après-midi le Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) s’était déclaré « inquiet » du sort de l’ancien ministre. « Le refoulement ou le retour forcé de réfugiés et de chercheurs d’asile vers leur pays d’origine est une violation sérieuse des lois internationales », avait souligné le HCR.
Les chefs de mission diplomatiques de l’Union européenne, des Etats-Unis, du Canada et de l’Australie avaient demandé au gouvernement zimbabwéen de « garantir son intégrité physique et sa sécurité » et de « s’assurer que ses droits soient respectés ». Le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, était jeudi à Lusaka pour s’entretenir avec le président zambien, Edgar Lungu. Il « fera aussi une escale au Zimbabwe pour s’entretenir avec le président élu Emmerson Mnangagwa », a ajouté la présidence sud-africaine sur son compte Twitter, sans donner de précisions sur les horaires ni la date de cette escale.