L’Union européenne prone la fin du changement d’heure. / Frédéric Bisson / CC-BY-SA 2.0.

Elargissement de l’Union aux Balkans, budget européen pluriannuel, réforme de la politique agricole commune... La Commission de Bruxelles, à neuf mois d’élections européennes cruciales pour l’avenir de l’Union, a conscience que ces enjeux mobilisent bien peu le grand public. C’est sans doute la raison pour laquelle l’institution communautaire a choisi de lancer sa rentrée, vendredi 31 aout, sur un sujet bien plus trivial, en confirmant qu’elle souhaitait abolir le passage à l’heure d’hiver, un sujet qui manifestement mobilise bien davantage les citoyens de l’Union.

« Le changement d’heure sera aboli », a affirmé le président Jean-Claude Juncker sur la TV allemande ZDF vendredi matin, au lendemain d’un séminaire du collège de la commission, en partie consacré à cette question. « Les gens n’ont pas envie de continuer à changer leurs montres », a ajouté l’ex-premier ministre luxembourgeois.

Cette décision intervient alors que Bruxelles s’apprête à rendre public le résultat d’une consultation citoyenne organisée au cœur de l’été – entre le 4 juillet et le 16 août dernier –, et qui a suscité un nombre de réponses totalement inédit pour un exercice de ce type, d’habitude confidentiel : 4,6 millions d’internautes ont rempli son questionnaire en ligne. Parmi les questions : souffrez-vous du passage à l’heure d’été/d’hiver ? Estimez vous qu’il faut en finir avec ces changements ?

Abandonnée à la Libération

Or, à en croire le journal allemand Westfalenpost, jeudi 30 août, l’écrasante majorité des participants – 80 % ! – se sont dit favorables à l’abolition du changement d’heure. Depuis des décennies, dans la plupart des pays européens, les horloges avancent d’une heure l’un des derniers dimanches de mars et reculent d’une heure l’un des derniers dimanches d’octobre. De sorte que la clarté se prolonge en soirée durant l’été et que la nuit « tombe » plus vite à l’automne.

C’est l’Allemagne qui, la première, au tout début du XXe siècle, a instauré pour la première fois une heure d’été en Europe. La France suit, en 1916. L’heure d’été est abandonnée dans l’Hexagone à la Libération puis rétablie en 1976 à la suite du choc pétrolier de 1973. A l’époque, l’argument principal des autorités concerne les économies d’énergie censées être générées par cette disposition. L’ensemble des pays de l’Union suit le mouvement dans les années 1980 et une directive, datant de 2001, achève d’harmoniser les choix nationaux.

Ce texte stipule que les pays choisissant le changement d’horaire doivent tous le faire avec la même périodicité et à la même heure, le même jour. C’est cette directive que la Commission va proposer d’amender dans les semaines qui viennent. Eu égard au processus législatif européen, le projet de directive devra ensuite être approuvé au conseil (les pays membres) et au Parlement européen, ce qui peut prendre plusieurs mois.

Mesure populaire

Cela devrait se faire sans trop de difficultés tant la mesure semble populaire. Côté conseil, des pays membres militent depuis des années pour l’abandon du changement d’heure. Plusieurs gouvernements mènent déjà un lobbying actif à Bruxelles, ainsi qu’en Finlande, en Lituanie, en Suède ou en Pologne.

C’est le Parlement européen qui a le premier interpellé la Commission sur la question, réclamant lors d’une résolution votée à une forte majorité, en février dernier, qu’elle procède à la consultation publique, motivée par la montée des préoccupations citoyennes concernant d’éventuels déréglements des rythmes chronobiologiques.

« Au total, 80 % des Européens ne veulent plus du changement d’heure : à nous responsables politiques de les entendre et d’en finir avec ce dispositif ! » estime Karima Delli, eurodéputée Verte dans un Tweet, jeudi 30 aout. L’élue a beaucoup fait ces derniers mois pour mettre le sujet à l’agenda de l’Hémicycle.

Le paradoxe, c’est qu’à ce jour, aucune étude scientifique n’a prouvé que le changement d’heure est réellement néfaste, ou au contraire vraiment utile, pour la santé, les économies d’énergie ou la sécurité routière... La commission le souligne d’ailleurs dans les propos liminaires à son questionnaire estival.

Les économies d’énergie ? « Des études montrent que l’effet global des économies d’énergie liées à l’heure d’été est marginal », souligne Bruxelles. La recrudescence des accidents de la route en raison du manque de sommeil ? « Les éléments de preuve ne sont pas concluants en ce qui concerne le rapport entre les dispositions relatives à l’heure d’été et les accidents de la route. » La santé ? « Les éléments de preuve concernant les effets globaux sur la santé (c’est-à-dire la mise en balance des effets négatifs et positifs présumés) ne sont pas concluants... »

Comprendre l’étrange découpage des fuseaux horaires en 5 minutes
Durée : 05:21