« Exit, la vie après la haine » : paroles de déradicalisés
« Exit, la vie après la haine » : paroles de déradicalisés
Par Emilie Grangeray
Ancienne néonazie, la Norvégienne Karen Winther a recueilli le témoignage d’extrémistes repentis dans un documentaire intimiste.
« J’avais 12 ans quand j’ai découvert “Christiane F.” (…) Je voulais être comme elle. (…) Tout ce qui était sombre et dangereux m’attirait. A 16 ans, je me suis ralliée à l’extrême droite. » Ainsi parle Karen Winther, qui, membre d’un groupe de la gauche radicale à l’adolescence, a fini par rejoindre la mouvance néonazie. Ayant rompu avec ces milieux, et après avoir gardé son passé secret durant de nombreuses années, cette jeune Norvégienne est partie à travers le monde écouter celles et ceux qui ont connu le même parcours : « Je veux aller à la rencontre d’anciens extrémistes comme moi pour comprendre ce qui les a poussés à se détourner de la haine et découvrir comment ils ont quitté ce milieu », dit-elle.
C’est le cas de l’Américaine Angela, ex-membre de l’organisation d’extrême droite Aryan Nations. Elle travaille désormais sans relâche pour l’organisation Life After Hate (« la vie après la haine »), consacrée à la lutte contre la violence radicale. Manuel, lui, est l’un des anciens visages du mouvement néonazi allemand.
Quant à David, français et ex-aspirant au djihad, il s’est converti à l’islam à 15 ans, année où il a quitté l’école. Membre du Groupe islamique armé (GIA), il a été condamné à six ans de prison ferme pour avoir soutenu les terroristes à la suite de l’attentat du 25 juillet 1995 à la station Saint-Michel du RER B, qui coûta la vie à huit personnes et fit 117 blessés. Il raconte, face caméra, comment il s’est alors mis à lire : philosophie, mathématiques, physique, biologie, histoire, géographie, les grands classiques grecs. Avec eux, il découvre le gris et les nuances. A sa sortie de prison, il fait une dépression. Il évoque « l’angoisse terrible » d’être « livré à soi-même ». Aujourd’hui, il déclare que même si « rien n’est plus dur pour un être humain que de réaliser qu’il s’est trompé », il faut « absolument croire qu’il est possible qu’un individu change ».
Plus que les raisons de leur engagement extrémiste, ce qui intéresse Karen Winther est l’après : comment, passés la honte, les doutes et les peurs, on décide de faire autre chose. C’est ce qui fait tout à la fois la force et l’originalité d’Exit, mais aussi sa faiblesse : l’absence totale de contextualisation ou de regard extérieur reste, sur un sujet aussi lourd, parfois gênante.
Exit, la vie après la haine, de Karen Winther (Norvège, 2018, 53 min). Jusqu’au 27 février sur arte.tv