Arte, à la demande, opéra

Hector Berlioz (1803-1869), l’un des trois grands génies – avec Jean-Philippe Rameau (1683-1764) et Claude Debussy (1862-1918) – de la musique française, eut à batailler avec la gigantesque partition que sont devenus Les Troyens (1863). Et pour l’imposer, il ne put compter sur Benvenuto Cellini (1838) et La Damnation de Faust (1846), qui furent des fours à leur création (alors que La Damnation est devenue depuis une référence du patrimoi­ne lyrique français).

Berlioz n’entendit et ne vit jamais à la scène ses Troyens autrement que de manière tronquée et partielle, et c’est en 1920 que le gigantesque ouvrage fut donné pour la première fois en inté­gralité, en français et en une même soirée : ironique destin, mais commun à beaucoup d’œuvres visionnaires.

Les Troyens trouvent paradoxalement la source de leur inventivité dans les formules transmises par le classicisme, que Berlioz décadre sans cesse de la manière la plus surprenante – un peu comme Rameau avant lui, à la fois archaïque et inventeur.

Une mise en scène spectaculaire

Pour le 350e anniversaire de l’Opéra de Paris, pour les 30 ans de l’Opéra Bastille et aussi le 150e anniversaire de la disparition du compositeur, il paraissait s’imposer que soit programmée cette œuvre protéiforme et géniale, en cinq actes répartis en deux parties (« La Prise de Troie » ; « Les Troyens à Carthage »). Présentée en léger différé par Arte, jeudi 31 janvier, cette représentation – et son entracte « meublé » – est disponible sur Arte.tv. La réalisation ménage les habituels gros plans – et leur indiscrétion parfois malvenue – sur les chanteurs, en costumes modernes, dans une mise en scène spectaculaire qu’on se gardera de juger pour ne l’avoir pas vue dans la salle de l’Opéra Bastille.

Si les excentricités apparentes du turbulent Dmitri Tcherniakov dérangent certains, le son devrait suffire à l’enchantement, notamment par l’entremise de la splendide Cassandre qu’incarne Stéphanie d’Oustrac, jeune mezzo-soprano à la voix longue et dense, et grâce à la direction fine et pétulante de Philippe Jordan, le directeur musical de l’Opéra de Paris.

« Les Troyens », d’Hector Berlioz. Avec Stéphanie d’Oustrac, chœur et orchestre de l’Opéra de Paris, Philippe Jordan (direction) (Fr., 2019, 3 h 44). Disponible jusqu’au 30 avril sur www.arte.tv