A Alger, lundi 25 mars, devant la télévision nationale algérienne, les journalistes protestent contre les « pressions » qu’ils subissent pour privilégier le point de vue du pouvoir dans le traitement de l’information. / RYAD KRAMDI/AFP

Le directeur général de la télévision nationale algérienne, Toufik Khelladi, a été limogé, lundi 25 mars, en pleine contestation de ses journalistes contre la « censure » dans la couverture des manifestations réclamant le départ du président Abdelaziz Bouteflika.

Ni l’agence de presse officielle APS qui a annoncé son limogeage ni un cadre de la télévision nationale qui l’a confirmé à l’AFP, n’ont précisé les raisons de l’éviction de M. Khelladi de son poste qu’il occupait depuis 2012, après avoir dirigé la radio nationale.

M. Khelladi faisait face depuis près d’un mois à une fronde sans précédent de ses salariés, notamment les journalistes, qui dénoncent la « censure » sur les chaînes nationales, apparue au grand jour avec la couverture des manifestations d’ampleur contre M. Bouteflika, déclenchées le 22 février.

Comme leurs collègues de la radio nationale, les salariés de la télévision publique dénoncent des « pressions » de leur hiérarchie qui les a contraints à initialement passer sous silence ces manifestations inédites, puis à en faire état mais en atténuant les mots d’ordre.

« Une télé libre ! »

Leurs protestations sont elles aussi largement inédites, les manifestations de mécontentement au sein des établissements publics étant jusqu’ici essentiellement liées à des revendications salariales ou aux conditions de travail.

Lundi, pour la troisième semaine de suite, plusieurs dizaines de salariés de la télévision nationale ont manifesté devant son siège, à Alger, et observé une minute de silence, la main symboliquement posée sur la bouche pour dénoncer les entraves à leur métier.

« Y en a marre de la censure ! », ont-ils scandé en réclamant une télévision « libre et démocratique ».

« Nous ne voulons plus être un service pour le gouvernement. Nos équipes sont sur les manifestations, mais c’est ici [au siège de la télévision nationale] qu’opèrent les ciseaux de la censure », a dénoncé le journaliste Abdelmajid Benkaci.

Sa collègue Melina Yacef a reconnu « une petite ouverture au niveau des émissions de débat », tout en réclamant « un véritable » changement, en particulier pour les journaux télévisés, accusés de faire la part belle au point de vue officiel : « Nous voulons une télévision publique ouverte à tous les partis, toutes les obédiences, tous les Algériens », a-t-elle ajouté.

Une rédactrice en chef de la radio nationale et une présentatrice du journal de la télévision publique ont quitté leurs fonctions depuis le début des manifestations.

Outre les défilés monstres chaque vendredi dans tout le pays, de multiples manifestations catégorielles d’ampleur diverses ont lieu régulièrement depuis le 22 février dans la capitale algérienne.

Après les avocats samedi, les architectes, les vétérinaires, des employés communaux et des magistrats de la Cour des comptes ont également manifesté lundi à Alger.

« La source de tous les pouvoirs »

« Le peuple est la source de tous les pouvoirs. Nous joignons notre voix à celle du peuple », pouvait-on lire sur une pancarte devant le siège de la Cour des comptes, devant laquelle étaient rassemblés une vingtaine de magistrats, selon des images de la télévision privée El-Bilad.

L’un des magistrats, Abdelkader Bedjaoui, a dénoncé une marginalisation « sans précédent depuis 1995 » de cette institution chargée du contrôle « des finances de l’Etat, des collectivités territoriales et des services publics ».

La Cour a toujours milité pour son indépendance, réclamant plus de moyens « notamment pour lutter contre la corruption », a-t-il affirmé devant ses collègues en robe, soulignant que le peuple est « avide de liberté et de transparence dans la gestion de la vie publique ».

Les mandats de M. Bouteflika ont été marqués par des scandales de corruption, touchant parfois ses proches. Selon l’indice de perception de la corruption 2018 de l’ONG Transparency International, l’Algérie est classée 105e sur 180 pays.

De nouveaux rassemblements étudiants sont attendus mardi.

Notre sélection d’articles pour comprendre la contestation en Algérie

Depuis le 22 février, le mouvement de protestation le plus important des deux dernières décennies en Algérie a poussé des dizaines de milliers de personnes dans les rues pour exprimer leur opposition à un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika, avant l’élection présidentielle prévue le 18 avril.

Retrouvez ci-dessous les contenus de référence publiés par Le Monde pour comprendre la crise qui traverse le pays :

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