Le Cameroun derrière Pascal Siakam, premier basketteur du pays à accéder à la finale de NBA
Le Cameroun derrière Pascal Siakam, premier basketteur du pays à accéder à la finale de NBA
Par Josiane Kouagheu (Douala, correspondance)
Grâce à son jeu, Toronto, son équipe, a remporté le premier match de cette finale 2019 face au double tenant du titre, Golden State, jeudi.
Le joueurs des Raptors, Pascal Siakam, lors du match face au double tenant du titre NBA, Golden State, jeudi 30 mai, à Toronto. / Gregory Shamus / AFP
Pascal Siakam est en train de se faire une place dans l’histoire. Du haut de ses 25 ans et de ses 2m08, il devient le premier Camerounais à disputer une finale de la National Basketball Association (NBA), le plus prestigieux championnat de basket au monde. Grâce à son jeu, Toronto, son équipe, a remporté le premier match de cette finale 2019 face au double tenant du titre NBA, Golden State, jeudi 30 mai.
Si cette finale est une première pour un joueur camerounais, elle l’est également pour son équipe, les Raptors de Toronto, au Canada, qui accèdent pour la première fois à ce niveau de compétition qui les oppose donc aux Warriors de Golden State.
Les matchs sont d’autant plus tendus que si les Raptors rêvent de victoire, les Warriors, visent, eux, un troisième titre consécutif. Ce « three-peat » (fait de remporter trois titres consécutifs) n’a été atteint qu’à cinq reprises dans l’histoire de la NBA. Et pour Steve Kerr, l’entraîneur de Golben State, « il faut beaucoup de talents, de résilience et de chance pour y parvenir ».
« Il a tous les atouts »
« Du talent et de la résilience, Pascal Siakam n’en manque pas. Il l’a déjà prouvé. Il a tous les atouts pour gagner cette finale avec son équipe. Les Raptors ne sont pas arrivés là par hasard », assure Auguste Essala. Et le coach de l’Etoile sportive de Douala, un club professionnel de basket-ball de la capitale économique du Cameroun, sait de qui il parle puisqu’il a entraîné Pascal pendant quatre années environ, avant qu’il ne s’envole pour les Etats-Unis. « Quand je l’ai vu pour la première fois, j’ai été impressionné par sa grande taille et surtout sa passion. Il ne lui manquait que la rigueur que nous lui avons inculquée », se souvient l’entraîneur.
Le joueurs des Raptors, Pascal Siakam, lors du match face au double tenant du titre NBA, Golden State, jeudi 30 mai, à Toronto. / Frank Gunn / AP
D’ailleurs pour le match d’ouverture de la finale NBA, Toronto a repris le large grâce à Pascal Siakam, meilleur marqueur avec 32 points (14 sur 17 au tir). « On a fait ce qu’on devait faire en gagnant le premier match devant notre public, mais ils ne sont pas champions pour rien, ils vont réagir dès le prochain match », a prévenu, prudent, le joueur.
Découvert par le coach Jules Honoré Wang Fang surnommé « le détecteur de talents », décédé en octobre 2018, Pascal Siakam intègre l’équipe junior de Snoup BC, un club (disparu depuis) à Douala. Il s’y entraîne sans relâche durant les congés de Noël, Pâques et des grandes vacances, et dès que ses études en internat le lui permettent.
« Si forte motivation personnelle »
Tôt, il rêve de grands championnats et sollicite Auguste Essala, alors entraîneur adjoint du club, pour des cours individuels. Séduit par cette « si forte motivation personnelle », le coach accepte. Et c’est ainsi que trois heures avant les entraînements collectifs, Pascal Siakam, rapidement rejoint par une poignée d’autres jeunes joueurs, prend des cours particuliers.
« J’arrivais parfois en retard et il était toujours déjà là, très concentré. Au fur et à mesure, il est devenu explosif. Il n’était peut-être pas très fort en offensive, mais en défense, il assurait », se rappelle l’entraîneur.
En 2011, la chance frappe à la porte du joueur qui est sélectionné pour participer au camp estival organisé à Moute au Cameroun, par Luc Mbah, un autre joueur camerounais évoluant aux Etats Unis. Cette expérience qui place Pascal Siakam dans le circuit le conduit vers un autre camp en Afrique du Sud avant qu’il obtienne une bourse pour les Etats Unis.
Pourtant rien n’est encore gagné pour lui et ses débuts là-bas sont laborieux, sa carrière peine à décoller. Après deux années aux Aggies, club omnisports de l’université du Nouveau Mexique où il est scolarisé (entre 2014 et 2016), il est sélectionné au sein des Raptors de Toronto contre l’avis de nombreux observateurs de la NBA qui ne croient pas en lui, ne voient pas les qualités de ce joueur moins médiatisé que son compatriote Joël Embiid. Les moqueries qu’il subit alors attristent même ses anciens coéquipiers et entraîneurs camerounais. Pour lui, elles résonnent comme un défi. « J’ai envie de montrer aux gens que je peux jouer en NBA », expliquait même Pascal Siakam à l’époque à RFI.
« Nous nous sommes entraînés ensemble sur les petits terrains avant d’être découverts ensemble par le coach Wang Fang. Je connais son potentiel. Vu son jeu, je savais qu’il allait y arriver. Mon souhait est qu’il remporte cette finale », rêve Marcel Dangmo, ami d’enfance et joueur de l’Etoile sportive de Douala.
« Aucun autre joueur n’a progressé autant que ce gamin »
Tout au long de cette saison 2018-2019, Pascal Siakam a donné tort à ceux qui doutaient de lui. « Aucun autre joueur n’a progressé autant que ce gamin, aucun joueur n’a eu autant d’impact sur son équipe. Il n’a cessé de s’améliorer, ne serait-ce qu’au fil de ces vingt derniers matches », confiait, Nick Nurse, l’entraîneur des Raptors de Toronto, à l’AFP en avril.
Au Cameroun où le football est roi, son ascension force le respect. Le ministre des sports et de l’éducation civique a envoyé une lettre de félicitation et d’encouragement au jeune ailier. Au sein de la Fédération camerounaise de basket-ball (Fecabasket), on pense que voir Pascal Siakam jouer du haut de ses 2m08, encouragera d’autres jeunes à aimer le basket et à en faire leur passion, malgré le manque d’infrastructures et les éternels problèmes financiers qui minent ce sport.
« Il est certain que sans l’opportunité des camps, Pascal aurait végété comme ses amis restés au Cameroun », assure Camille Njoh Ekindi, secrétaire général de la Fecabasket. Avant d’ajouter, plus joyeux : « On sait que ça va être difficile cette finale. Mais, tout le Cameroun est derrière Pascal Siakam, c’est notre fierté actuellement ». Suspense… La première équipe à quatre victoires sera sacrée championne NBA.