LA LISTE DE LA MATINALE

Que vous soyez en vacances ou pas, l’été est le moment idéal pour rattraper tous ces documentaires que vous n’avez pas eu le temps de voir. En voici quatre, du plus léger au plus grave, pour combler les moments de creux du week-end.

« Un air de déjà-vu » : le passé pour analyser l’actualité culturelle

La toile « La Petite Fille au ballon rouge » s’autodétruit sous les yeux des acheteurs lors de la vente aux enchères spectaculaire d’un Banksy le 5 octobre 2018, à Londres. / RAY TANG / REX / SHUTTERSTOCK / SIPA

« On entend que le monde est pressé, que ce qui est arrivé hier est déjà périmé, pourtant, lorsqu’on sonde l’actualité culturelle, on s’aperçoit que chaque phénomène tire quelque chose du passé. Alors, entre hier et aujourd’hui, osez inverser vos perspectives. » Telle est la promesse de la nouvelle émission de Philippe Collin, qui remonte le temps pour tracer la généalogie des événements culturels marquants de l’été 2018 à avril 2019.

Dans le grenier d’« Un air de déjà-vu », on repère dans l’art les continuités pour mieux cerner les ruptures et ce que les artistes de notre époque apportent (ou pas) de nouveau. Comme lorsqu’un épisode prend le prétexte de la sortie du dernier roman de Michel Houellebecq, début janvier, pour enquêter sur la figure récurrente du « grand écrivain français ». Dans un autre numéro, l’émission analyse les secrets de fabrication des biopics musicaux, genre cinématographique à succès cette année en salle avec Bohemian Rhapsody, consacré au chanteur de Queen, ou Rocketman, sur Elton John. Ou, revenant sur le sabotage de l’œuvre Girl with Balloon, de Banksy, « Un air de déjà-vu » apporte la perspective historique et artistique pour mieux comprendre ce geste autodestructeur.

Archives à l’appui, ces brefs récits et enquêtes, aussi pédagogiques que rythmés, ainsi que le ton sémillant de l’émission en font un programme réjouissant. Mouna El Mokhtari

« Un air de déjà-vu », émission de Philippe Collin (Fr., 2019, 8 × 30 min), chaque dimanche à 19 h 10 jusqu’au 25 août, Arte.tv.

« Les Enfants du secret » : répondre aux questions que pose l’anonymat des donneurs

Portraits d’enfants nés d’un don de gamètes. / STP PRODUCTIONS

Attention, sujet brûlant. Alors que le débat sur l’extension du droit à la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules s’échauffe, Les Enfants du secret rappelle, simplement et sans polémique, les problèmes posés par l’anonymat du donneur. L’auteur, Rémi Delescluse, 36 ans, né de PMA, y confie ses interrogations et filme sa quête de réponses, faite de rencontres, de premières fois. Il permet, au passage, de prendre conscience de ce que l’on résume trop rapidement par : la société a changé.

Rémi Delescluse n’est pas traumatisé d’être né d’un don de gamètes – le sperme et les ovocytes. Ses parents lui ont parlé alors qu’il avait 5 ans : « Papa n’est pas vraiment papa, mais c’est quand même papa. » Ce qu’il avait traduit par : « J’ai trois parents », sans plus vraiment y penser. Mais il y a deux ans, désirant fonder une famille, il demande à connaître le nom de son donneur et apprend que c’est impossible. Le quart du patrimoine génétique de son enfant à naître lui restera inconnu.

La Suisse, l’Allemagne, la Suède, la Norvège, la Finlande, Malte, le Portugal, l’Irlande, le Royaume-Uni, l’Autriche, les Pays-Bas et l’Australie reconnaissent l’accès au géniteur ; le Danemark, la Belgique, les Etats-Unis, le Canada et l’Islande autorisent un accès partiel. Et l’assemblée du Conseil de l’Europe a recommandé, le 12 avril, de lever l’anonymat des donneurs de gamètes. Une avancée, certes, mais qui ne permettra jamais de dévoiler tous les secrets. Sur les 70 000 enfants nés officiellement de PMA depuis 1973, seuls 7 % à 8 % connaîtraient l’origine de leur conception. Catherine Pacary

Les enfants du secret, documentaire de Rémi Delescluse (Fr., 2019, 60 min). Disponible sur Arte.tv.

« Derniers jours d’un médecin de campagne » : espèce en voie de disparition

Extrait du documentaire « Derniers jours d’un médecin de campagne », diffusé sur LCP. / HANNA FILMS

« J’ai peur de m’arrêter, parce que je vais perdre ce lien social. Je vais perdre cette notion de servir à quelque chose. Je vais perdre mon identité. » Le docteur Patrick Laine a 67 ans, bientôt 68. Il est médecin généraliste à la campagne et le documentariste Olivier Ducray a suivi son quotidien, surchargé. Animé par l’idée d’être utile et séduit par l’aspect relationnel de son métier, il s’est installé à Saulnot, un village de 800 âmes de Haute-Saône, il y a trente-six ans, en 1983. Aujourd’hui, les derniers jours d’activité de ce médecin de campagne s’étirent à l’infini. Car il se cherche, sans succès jusqu’ici, un successeur. Y compris en postant des annonces sur Leboncoin.

« La médecine générale est une espèce en voie de disparition, déplore le médecin en participant à un débat public. En France, l’âge moyen du généraliste est de 52 ans. 26 % des généralistes ont 60 ans et plus. Dans certains bassins de population, 100 % des médecins généralistes ont plus de 55 ans. Vous imaginez dans dix ans ce que ça va donner. »

« Mon stress, c’est ma montre », confie ce médecin qui ne dit jamais non et se déplace à toute heure du jour et de la nuit. « Pour faire bien ce métier, il faut être bien accompagné », démystifie-t-il. Son épouse gère tout l’administratif. En abordant ses douleurs dans le dos, le médecin s’autorise à évoquer l’usure. Mais pas question « d’abandonner » ses patients, avec qui il a vieilli et qui prennent soin de lui autant qu’il prend soin d’eux. M. E. M.

« Derniers jours d’un médecin de campagne », documentaire d’Olivier Ducray (Fr., 2018, 52 min). Disponible sur LCP.

« George Michael : Freedom » : autoportrait de la « voix de l’ange »

Le chanteur George Michael. / RUSSELL YOUNG / SONY MUSIC

C’est un curieux objet que George Michael venait de terminer lorsqu’il a été emporté par la maladie, le 25 décembre 2016, à l’âge de 53 ans. Autoportrait distancié, réalisé par lui-même et coproduit avec son ami le compositeur David Austin, George Michael : Freedom ressemble à un hommage que l’auteur-interprète britannique, sentant la mort approcher, aurait pris soin d’écrire pour lui-même. Cette démarche personnelle ne rend ce film d’une heure trente que plus touchant. Fils d’une Anglaise et d’un Chypriote, physique de jeune premier, George Michael accède très jeune à la notoriété grâce aux tubes pop édulcorés qu’il chante au côté d’Andrew Ridgeley, l’autre moitié du groupe Wham!, formé en 1981. Sans renier ce début de carrière kitsch, le chanteur se lance en 1986 dans une carrière solo. A la faveur d’un tube, Faith, et d’un album du même nom, il devient en 1988, à 25 ans, l’artiste le plus vendu dans le monde.

Voix exceptionnelle, charisme hors du commun, gentillesse et générosité… De Naomi Campbell à Stevie Wonder, en passant par Tracey Emin ou Liam Gallagher, les stars se bousculent au micro pour faire l’éloge de ce brillant compositeur au timbre pur et chaleureux. Sa brillante carrière est néanmoins émaillée d’accidents, mais le documentaire n’évoque naturellement que les plus « nobles » d’entre eux, à commencer par son combat contre les termes du contrat qui le lie à Sony, sa maison de disques. George Michael évoque en outre le drame personnel que furent la maladie et la mort en 1993 de son compagnon, Anselmo Feleppa, atteint du sida, ainsi que son tardif coming out public, en 1998. Trente-cinq ans après ses débuts, la « voix de l’ange » résonne, intacte. Audrey Fournier

George Michael : Freedom, documentaire de George Michael et David Austin (R-U, 2017, 95 min). Disponible sur Arte.tv.