« Un été en Antarctique » : le voyage d’une vie
« Un été en Antarctique » : le voyage d’une vie
Par Mouna El Mokhtari
Nicolas Martin nous plonge dans le quotidien d’une base scientifique de l’extrême austral, pour une singulière aventure humaine.
« Je me sens tout petit… Et j’ai un peu froid aux mains. » Bienvenue aux confins du monde. Dans la série documentaire Un été en Antarctique, Nicolas Martin propose une immersion en terre Adélie, découverte en 1840 par Jules Dumont d’Urville. Deux siècles plus tard, on y trouve, sur l’île des Pétrels, la base scientifique qui porte son nom. Une vingtaine de professionnels, ornithologues, glaciologues, menuisiers, mécaniciens, médecins, cuisiniers, techniciens, s’y succèdent chaque année pour explorer le sixième continent. En dix épisodes, nous suivons au plus près ces « hivernants », qui vont ou viennent de passer un an, dont neuf mois en isolement total, sur la base.
L’intense carnet de voyage commence par cinq jours de mer : à bord du navire brise-glace L’Astrolabe, les nouveaux arrivants quittent la Tasmanie pour l’île des Pétrels. A l’approche de la banquise, le navire doit traverser le pack, une vaste bande de glace de mer, qui empêche parfois l’accès à la station. Puis c’est la découverte, entre excitation et émerveillement, de la base : les bâtiments sur pilotis, les manchotières tout près, le jour polaire lumineux à 2 heures et demie du matin, et les nombreuses consignes de sécurité. « En terre Adélie, tu perds un gant, tu perds une main », avertit une chef de district.
Une fois le matériel déchargé et les repérages effectués, le travail scientifique peut commencer : étude des manchots, mesure et examen des précipitations neigeuses, de la composition des différentes couches atmosphériques, surveillance des espèces d’oiseaux polaires. Le changement climatique est dans tous les esprits. Chercheurs et techniciens travaillent main dans la main et composent avec les moyens du bord. Dans un environnement où les températures avoisinent les moins 30 degrés et où de violentes tempêtes de neige peuvent paralyser les activités, « changer un boulon prend une heure alors que cela devrait prendre cinq minutes. Parce qu’on a froid aux mains, parce qu’on est obligé de rerentrer, ressortir ; on fait tomber le tournevis, il faut le retrouver dans la neige… Tout est plus long, plus compliqué, plus physique ! »
Sentiment de claustration
Au fil des mois, la lumière diminue, les sorties se raréfient, le sentiment de claustration augmente, les températures extrêmes fatiguent les corps. L’ennui guette. Au micro de Nicolas Martin, on peut entendre la « famille polaire » s’unir, entre transmissions radio, crissements des pas dans la neige et mugissement des vents. « Avec cet environnement fou qui nous éblouit chaque jour, ou qui tente de nous tuer littéralement, ça nous resserre », témoigne un participant.
Chacun mesure sa chance – « Il y a six mois pendant lesquels on sort et, en allant au travail, on voit la Voie lactée au-dessus de nous qui tourne », raconte un chercheur –, sans cacher pour autant les doutes et les tensions que l’isolement, loin de leurs repères familiaux et amicaux, peut générer. Des sentiments ambivalents que l’on retrouve au moment du départ. Ceux qui quittent la base réalisent qu’ils ont changé. « Ce qui est compliqué, c’est de se dire qu’on ne revivra jamais ça », réalise une technicienne. Côté auditeur, on est ravi d’avoir partagé « ça » avec eux.
Le navire brise-glace « L’Astrolabe » près de la base Dumont d’Urville sur l’île des Pétrels dans l’Antarctique. / NICOLAS MARTIN / RADIO FRANCE
Un été en Antarctique, documentaire de Nicolas Martin et Yvon Croizier (Fr., 2019, 10 × 30 min). En partenariat avec l’Institut polaire français Paul-Emile Victor et le magazine Geo. Disponible sur France Culture et iTunes.