Au procès LuxLeaks, le lanceur d’alerte accusé témoigne
Au procès LuxLeaks, le lanceur d’alerte accusé témoigne
Le Monde.fr avec AFP
Le procès LuxLeaks à Luxembourg entame sa deuxième et dernière semaine avec l’audition, très attendue, d’Antoine Deltour, la principale source de l’affaire.
Quelques semaines après les révélations des « Panama papers », le procès LuxLeaks à Luxembourg entame sa deuxième et dernière semaine d’audiences. Une fois encore, les auditions promettent de brasser plusieurs sujets brûlants d’actualité, du statut fragile des lanceurs d’alerte au scandale de l’évasion fiscale. Cette semaine s’annonce cruciale, puisque le tribunal doit entendre Antoine Deltour, la principale source de LuxLeaks, puis le journaliste Edouard Perrin.
Dans cette affaire, trois Français, dont un journaliste, ont comparu mardi devant le tribunal correctionnel de Luxembourg, accusés d’avoir fait fuiter près de 30 000 pages éclairant les pratiques fiscales de grandes multinationales établies au Grand-Duché. Ils encourent jusqu’à dix ans d’emprisonnement.
Suivez l’audition d’Antoine Deltour avec notre journaliste sur place :
- Qui sont les protagonistes ?
Les faits datent de l’époque où Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, était premier ministre du Luxembourg (1995-2013). Le lanceur d’alerte, Antoine Deltour, 31 ans, est accusé d’avoir organisé la fuite de documents fiscaux du cabinet d’audit PricewaterhouseCoopers (PwC), pour lequel il travaillait à Luxembourg.
C’est lui qui a confié les documents au journaliste Edouard Perrin, lui aussi poursuivi, qui a révélé le scandale en mai 2012 dans l’émission « Cash Investigation » sur la chaîne publique française France 2. Edouard Perrin, 45 ans, a, lui, été inculpé en avril 2015 entre autres pour « complicité de vol domestique », « violation du secret professionnel » et « violation de secrets d’affaires ».
Il lui est ainsi reproché d’avoir manipulé un autre employé de PwC, Raphaël Halet, pour organiser une seconde fuite de documents. M. Halet, 40 ans, est le troisième Français inculpé. Comme Antoine Deltour, il est poursuivi pour vol domestique, divulgation de secrets d’affaires, violation de secret professionnel et blanchiment. Leur ancien employeur, le cabinet d’audit PwC, est partie civile dans ce procès, qui doit durer jusqu’au 4 mai.
- Que révèle les « LuxLeaks » ?
Si les récents « Panama papers » ont mis au jour des montages complexes de sociétés pour dissimuler des avoirs, le scandale des LuxLeaks a, lui, dévoilé les pratiques fiscales de firmes multinationales pour économiser des milliards de dollars d’impôts.
Les documents divulgués détaillaient 548 « rescrits fiscaux » – concernant plus de 350 sociétés – généreusement accordés par l’administration et négociés par la firme PwC pour le compte de ses clients.
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- Que s’est-il passé pendant la première semaine du procès ?
Au premier jour du procès des lanceurs d’alerte français de l’affaire LuxLeaks, mardi 26 avril, il a été question des protections – défaillantes – des serveurs informatiques du cabinet d’audit PricewaterhouseCoopers (PwC). Anita Bouvy, chargée de mener l’enquête interne au sein de la filiale luxembourgeoise du cabinet a dû convenir qu’une « anomalie » avait permis à des centaines d’employés de PwC d’y accéder sans aucun contrôle, dont Antoine Deltour, ancien auditeur.
Le lendemain, c’était au tour du commissaire de police luxembourgeois Roger Hayard de témoigner à la barre. Au cours de son enquête il a pu avoir accès au matériel informatique d’Antoine Deltour. Comme aucune trace de transaction financière suspecte n’a été trouvée sur ses comptes, le policier a rapidement cherché un autre motif. Antoine Deltour « était déclaré anticapitaliste », a-t-il lâché, à la barre du tribunal d’arrondissement de Luxembourg.
En fin de semaine, Raphaël Halet est sorti de son silence, en témoignant pour la première fois au procès LuxLeaks. « Choqué » par les pratiques d’optimisation fiscale des firmes multinationales au Luxembourg, M. Halet a expliqué pourquoi il avait fait son « devoir » de citoyen.