Fessenheim, taxe carbone, biodiversité… le bilan de Hollande sur l’environnement
Fessenheim, taxe carbone, biodiversité... le bilan de Hollande sur l’environnement
Par Angela Bolis
La conférence environnementale, lundi et mardi, a placé le gouvernement face au bilan de sa politique écologique, entre mesures concrètes et espoirs déçus.
Manifestation de partisans de l'abandon du projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes le 23 février à Nantes. | LOIC VENANCE / AFP
La quatrième conférence environnementale, qui s’est tenue lundi 25 et mardi 26 avril, devait être l’occasion pour le gouvernement de « rendre des comptes » sur son bilan en matière d’écologie. Depuis le début de son mandat, en 2012, la politique environnementale de François Hollande a été émaillée de grands rendez-vous, tout en suscitant une déception croissante. Tour d’horizon des principales avancées… et des promesses non tenues.
Les conférences environnementales (réalisées)
C’était une des promesses de François Hollande lors de sa campagne présidentielle : cinq ans après le Grenelle de l’environnement, il s’était engagé à « ouvrir un dialogue environnemental au même niveau que le dialogue social ». Promesse tenue donc, puisque quatre conférences environnementales se sont depuis succédé, fixant en 2012, 2013, 2014 et 2016, la feuille de route du gouvernement pour l’année à venir (voir l’encadré en fin d’article).
Cette année, la rencontre, qui s’est ouverte sous les critiques et les boycotts, a débouché sur quelques annonces – feuille de route sur le nucléaire, fermeture de la centrale de Fessenheim ; instauration d’un « prix plancher du carbone » ; émission d’« obligations vertes » ; objectifs en matière d’énergies renouvelables, etc. –, sans toutefois convaincre les associations.
La concertation environnementale devait aussi être renforcée par la création, en décembre 2012, du conseil national de la transition écologique, un organe consultatif regroupant ONG, syndicats, entreprises, agriculteurs ou élus locaux.
La loi sur la transition énergétique (adoptée)
Présentée comme l’un des « grands chantiers du quinquennat » par François Hollande, et adoptée en juillet 2015 après un cheminement long et laborieux, la loi sur la transition énergétique prévoit une division par quatre des émissions de gaz à effet de serre en 2050 (par rapport à 1990) ; la diminution de moitié de la consommation énergétique finale en 2050 ; une baisse de la part des énergies fossiles de 30 % à la même échéance ; et une hausse des énergies renouvelables pour atteindre 40 % de la production d’électricité à la même date. S’y ajoute la réduction de la part du nucléaire dans le bouquet électrique à 50 % « à l’horizon 2025 », contre environ 75 % aujourd’hui – une autre promesse du candidat Hollande.
Cette loi « n’a pas vraiment les moyens de ses ambitions », a toutefois estimé la fédération France nature environnement. Et son application tarde : près de trois quarts des décrets d’application sont toujours en attente. Ils seront tous « pris d’ici l’été », a assuré M. Hollande lundi.
Très attendu, le document détaillant l’évolution jusqu’en 2023 des différentes énergies (la programmation pluriannuelle de l’énergie – PPE), plusieurs fois reporté, doit être publié d’ici au 1er juillet, a aussi assuré M. Hollande. Les objectifs en matière d’énergies renouvelables pour 2023 doivent, eux, être publiés dès mercredi 27 avril dans un arrêté – alors que la France a reculé en seizième position européenne dans ce domaine.
La fermeture de Fessenheim (en cours)
La loi sur la transition énergétique prévoit aussi un plafonnement de la puissance totale du parc électronucléaire à son niveau actuel. Avec l’ouverture prévue en 2018 de l’EPR de Flamanville (Manche), c’est la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin) qui est en ligne de mire – sa fermeture était aussi une promesse de François Hollande. Il a confirmé, lundi, qu’un décret serait pris « cette année » pour abroger son autorisation. Après l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) sur l’état du parc nucléaire prévu en 2018, « EDF devra proposer la fermeture de certaines centrales » et « la prolongation d’autres », a-t-il ajouté.
La loi sur la biodiversité (en cours)
Promise en 2012, l’ouverture d’une agence française de la biodiversité est l’une des mesures phares du projet de loi « pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ». Celui-ci, toujours en discussion au Parlement, a pris beaucoup de retard, mais devrait être adopté d’ici à la fin de l’année. Plusieurs ONG estiment néanmoins que cette agence n’est pas dotée de moyens financiers suffisants.
Autres avancées dans cette loi : l’interdiction des insecticides néonicotinoïdes, nocifs pour les abeilles, l’inscription du préjudice écologique dans le code civil, ou encore l’ouverture en open data d’un Inventaire national du patrimoine naturel.
Climat : de la COP21… (réalisé)
Le président François Hollande, le président de la COP 21 et ministre des affaires étrangères Laurent Fabius, et le secrétaire général de l'ONU Ban Ki moon, le 12 décembre lors de la clôture de la COP 21 à Paris. | Francois Mori / AP
La conférence des Nations unies sur le climat à Paris, la COP21, a été un des événements diplomatiques les plus marquants du mandat de François Hollande, qui avait promis en 2012 « le respect des engagements internationaux sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre ». Elle a abouti au premier accord universel sur le climat, signé par cent quatre-vingt-quinze pays, et entérinant l’objectif de contenir le réchauffement « bien en deçà de 2 °C ». Cette quatrième conférence environnementale s’est ouverte trois jours après la signature de cet accord par plus de cent soixante-dix pays, à New York. Reste à le ratifier – en France le texte sera adopté par le Parlement avant l’été, a promis François Hollande, qui a demandé aux 28 pays européens de le ratifier également d’ici à la fin de 2016.
... au prix du carbone (en cours)
François Hollande a annoncé lundi que la France s’engagera à « donner unilatéralement un prix plancher au carbone » dans le secteur de la production d’électricité – un des enjeux de la COP21. Ce mécanisme, qui doit être fixé par la prochaine loi de finances et applicable au 1er janvier 2017, reviendra à surtaxer l’électricité produite dans des centrales à charbon et à gaz. Très polluantes, celles-ci restent « trop » rentables du fait d’un prix de la tonne de carbone très bas sur le marché européen.
La France plaide aussi pour que l’UE mette en place un « corridor de prix », avec un plancher et un plafond entre lesquels oscillerait le cours du carbone sur le marché européen, afin de lutter contre sa volatilité et d’offrir une visibilité aux investisseurs.
Taxe carbone (adoptée)
Le dispositif du prix du carbone se distingue de la taxe carbone, mise en place par le gouvernement en 2014. Nommée officiellement contribution climat énergie (CCE), elle a été introduite dans les taxes sur les énergies fossiles (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, TICPE) visant notamment la consommation de carburants (chauffage, transports, etc.). Elle doit évoluer de 22 euros la tonne de CO2 en 2016 à 56 euros en 2020, puis 100 euros en 2030, avec un examen annuel de son niveau à l’occasion de chaque loi de finances. « La France demandera son extension à toute l’Union européenne », a indiqué lundi le chef de l’Etat.
Ecotaxe (abandonnée)
Les associations critiquent toutefois, de manière plus générale, un « verdissement » insuffisant de la fiscalité de la France qui, en dépit de ces avancées, est toujours « parmi les mauvais élèves en Europe », selon Lorelei Limousin, du Réseau action climat France. L’écotaxe sur les poids lourds circulant sur le réseau routier a notamment été enterrée en 2014, après de vives oppositions.
Sur le diesel, moins taxé bien que plus polluant, Matignon a promis un timide rapprochement en cinq ans entre son prix et celui de l’essence, peu après la révélation des contrôles antipollution maquillés par Volkswagen.
Notre-Dame-des-Landes et le dialogue environnemental (en cours)
Manifestation contre le projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes, le 27 février au Temple de Bretagne. | JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP
Le mandat de François Hollande s’est distingué par une floraison de contestations locales contre des projets d’infrastructure – surnommé par leurs détracteurs les « grands projets imposés inutiles » –, perçus comme contraires à l’évolution vers une société plus sobre et durable.
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Au lendemain de la mort de Rémi Fraisse, lors d’affrontements avec des gendarmes autour du projet de barrage contesté à Sivens (Tarn), en octobre 2014, François Hollande avait annoncé une réforme du dialogue environnemental. Elle est en cours, avec deux projets d’ordonnance relatifs à « la démocratisation du dialogue environnemental » et à « l’évaluation environnementale des projets ». Y figure notamment un droit pour le public d’accéder aux informations en amont et d’adresser des « propositions alternatives », y compris l’annulation du projet. La saisine du conseil national de la transition écologique n’est toutefois prévue que pour les projets dont le financement public dépasse 5 millions d’euros – ce qui n’était pas le cas du barrage de Sivens.
Autre grand sujet de discorde, qui n’entrerait pas non plus dans le cadre de cette réforme : le blocage autour du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique). Sur ce dossier, grand absent de la conférence environnementale, le chef de l’Etat a promis que le gouvernement prendrait « ses responsabilités pour suivre ou arrêter le projet », selon les résultats d’un référendum local prévu le 26 juin et limité à la Loire-Atlantique.
Promouvoir l’agriculture biologique (en cours)
« L’Etat fera face à ses engagements budgétaires en lien avec les régions pour que la France puisse devenir la première puissance bio d’Europe », a promis François Hollande lundi, faisant écho à une promesse de campagne sur la « promotion de l’agriculture biologique ». Depuis 2012, les conversions à l’agriculture biologique ont effectivement été au rendez-vous : selon les chiffres de l’agence Bio en février, les surfaces engagées en bio ont bondi de 17 % en un an (pour atteindre à peine 5 % du territoire agricole français).
Réagissant à cette promesse, la Fédération nationale de l’agriculture biologique a cité le programme Ambition bio 2017 de Stéphane Le Foll, tout en rappelant que les aides régionales aux conversions et au maintien de l’agriculture biologique sont, d’après elle, sous-estimées.
Par ailleurs, le plan Ecophyto II, présenté en octobre 2015, et qui a pour ambition de réduire de 50 % l’usage des pesticides d’ici à 2025, se heurte à la dure réalité des chiffres du ministère de l’agriculture en mars : la consommation de pesticides, en hausse constante, a encore bondi de plus de 9 % entre 2013 et 2014.
Finance verte (promesses)
Nouvelle promesse : François Hollande a annoncé, lundi, que la France serait le premier pays au monde à émettre des « obligations vertes » (« green bonds »). Alors que seules quelques entreprises et institutions financières ont déjà émis ce type d’obligations, « l’Etat demandera aux banques publiques, comme la Banque publique d’investissement, de lancer des obligations vertes dédiées à des projets environnementaux », a-t-il annoncé.
Paris pousse aussi pour la mise en place en Europe de la taxe sur les transactions financières (TTF), a répété M. Hollande lundi, en souhaitant que son produit soit « affecté au développement et à la lutte contre le réchauffement ».
Gouvernance mondiale de l’environnement (non réalisée)
Pendant la campagne présidentielle, François Hollande avait plaidé pour la création d’une organisation mondiale de l’environnement, « basée sur le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) » et qui aurait son siège en Afrique – une promesse qui ne semble plus à l’ordre du jour.
Fonds vert (promesse tenue)
En revanche, le 20 novembre, la France a respecté une promesse de septembre 2014 : verser 1 milliard de dollars (880 millions d’euros) au fonds vert pour le climat des Nations unies. Paris s’est aussi engagé à porter l’aide au développement de 3 à 5 milliards de dollars avec, pour priorité, l’accès à l’énergie, la lutte contre la désertification et l’adaptation au changement climatique.
Les trois précédentes conférences environnementales
- En 2012, la première conférence environnementale s’ouvre dans un climat relativement optimiste. Elle accouche de cinq grands chantiers : la transition énergétique, embryon de la future loi adoptée en juillet 2015 ; une Agence nationale de la biodiversité, qui sera intégrée au projet de loi sur la biodiversité, en cours de discussion ; une diminution des risques sanitaires environnementaux, qui aboutira notamment à l’interdiction du bisphénol A dans les contenants alimentaires en janvier 2015 ; la fiscalité environnementale ; et la simplification du droit de l’environnement.
- En 2013, la deuxième conférence environnementale s’attaque aux chantiers de l’économie circulaire (recyclage, valorisation des déchets...) ; de la transition énergétique et de ses emplois ; de la politique de l’eau ; de la biodiversité marine ; et de l’éducation à l’environnement. Les ONG commencent à déchanter : « La seule bonne nouvelle, c’est l’objectif de diviser par deux la consommation d’énergie d’ici 2050, estime la fédération France nature environnement. Pour le reste , il y a peu de nouvelles décisions (...), pas d’annonce concrète pour mettre en œuvre les objectifs fixés l’an dernier. »
- En 2014, la troisième rencontre est boudée ou critiquée par les principaux acteurs environnementaux, qui réclament de « réelles avancées », et dénoncent une « organisation extrêmement chaotique ». Trois thèmes sont au menu : le climat et la biodiversité, un an avant la conférence des Nations unies sur le climat à Paris ; les transports et mobilités durables, avec l’idée d’accélérer la sortie du diesel ; et l’environnement et la santé (pesticides et perturbateurs endocriniens).