L’arrestation d’une journaliste néerlandaise en Turquie tend les relations entre La Haye et Ankara
L’arrestation d’une journaliste néerlandaise en Turquie tend les relations entre La Haye et Ankara
Par Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, Correspondant)
Après l’assignation à résidence de la journaliste Ebru Umar en Turquie, des partis d’opposition néerlandais réclament des éclaircissements quant à la position exacte du gouvernement de Mark Rutte.
Ebru Umar et son avocat, le 24 avril. | - / AFP
Ebru Umar, une journaliste turco-néerlandaise, qui écrit notamment des chroniques pour le site d’information néerlandais The Post Online et le quotidien Metro, a été arrêtée samedi 23 avril à Kusadasi par la police turque. Accusée d’avoir insulté et menacé le président, Recep Tayyip Erdogan, sur Twitter, la journaliste a été libérée dès dimanche, mais assignée à résidence. Son avocat tente de faire lever la mesure d’interdiction de quitter le pays prise à son encontre.
Les autorités d’Ankara reprochent à la journaliste une chronique très critique parue la semaine dernière au sujet d’un courriel diffusé par le consulat de Turquie à Rotterdam, qui appelait les Turcs vivant aux Pays-Bas à signaler les « insultes » à l’égard de M. Erdogan. Critiquant « un dictateur mégalomaniaque » et « un sultan », Mme Umar s’adressait violemment, dans sa chronique, à ceux qui répondraient à cet appel.
Le ministre des affaires étrangères néerlandais, le social-démocrate Bert Koenders, avait également critiqué cette initiative du consulat, qualifiée de très inquiétante par divers opposants vivant aux Pays-Bas. « Mauvaise interprétation », avait réagi un porte-parole turc, affirmant que le projet visait en fait à dénoncer les actes racistes dont seraient victimes des Turcs aux Pays-Bas. En réalité, un autre consulat, celui de Deventer, avait lancé une initiative semblable.
« Ce pays croit visiblement qu’il peut tout se permettre »
Le premier ministre néerlandais, Mark Rutte, a invité l’ambassadeur de Turquie à s’expliquer, tout en tentant de calmer le jeu au Parlement. Samedi soir, il a été en contact téléphonique avec Mme Umar. Mais l’arrestation de cette dernière va compliquer un peu plus les relations déjà tendues entre La Haye et Ankara.
Lors d’un entretien avec son homologue turc, M. Koenders lui aurait indiqué que « la liberté de la presse et la liberté d’expression sont de très bonnes choses ». « Il convient qu’un candidat à l’adhésion les respecte ; j’ai souvent insisté là-dessus lors de mes conversations avec mes collègues turcs et je continuerai à le faire. Il semble que cela reste nécessaire », a commenté le ministre des affaires étrangères.
En échange d’une aide financière massive et d’une promesse de contrôler les flux de migrants vers la Grèce, la Turquie a obtenu des Vingt-Huit une libéralisation des visas et une relance du processus d’adhésion à l’Union européenne.
Des partis néerlandais d’opposition réclament désormais des éclaircissements quant à la position exacte du gouvernement de Rutte. L’Appel social-démocrate (ou CDA – parti chrétien-démocrate) souligne que l’arrestation de Mme Umar est survenue au moment où la chancelière allemande, Angela Merkel, le président du Conseil européen, Donald Tusk, et le vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, étaient en visite en Turquie. Geert Wilders, le leader du Parti pour la liberté (ou PVV – parti d’extrême droite), a traité M. Erdogan d’« islamo-fasciste » sur Twitter. Le Parti populaire libéral et démocrate (ou VVD – libéral) du premier ministre demande, lui aussi, des explications plus détaillées.
Quant au Nederlandse Vereniging van Journalisten (NVJ – « Syndicat des journalistes néerlandais »), il souligne que ce n’est pas la première fois qu’un journaliste néerlandais connaît des démêlées avec la Turquie. « Ce pays croit visiblement qu’il peut tout se permettre », déclare son responsable, Thomas Bruning.