Un Mémorial pour les morts du 13 novembre
Un Mémorial pour les morts du 13 novembre
Par Aline Leclerc, Sylvie Kauffmann
« Le Monde » a choisi de publier les portraits des hommes et des femmes tués afin de conserver la mémoire de ces vies fauchées.
Fleurs et bougies en hommage aux victimes des attentats du 13 novembre, sur la place de la République, à Paris. | LOIC VENANCE / AFP
Ils aimaient le rock, ils aimaient le théâtre, ils aimaient étudier et voyager. Ils aimaient, à la fin d’une semaine de travail, se retrouver entre copains à la terrasse des bistrots du quartier. Ils aimaient Paris ; ils aimaient vivre. Vendredi 13 novembre 2015, par une soirée étonnamment douce pour la saison, leurs 130 vies ont été fauchées.
Brutalement arrachées à ceux qui les côtoyaient chaque jour, ces 130 personnes font aujourd’hui partie de notre univers, à tous. Elles ne nous quittent plus. Nous refusant à les réduire à un chiffre, 130, et à un statut, celui de « victimes », nous avons voulu leur donner un visage, raconter qui elles étaient, leur rendre leur vie, à travers ceux qui les connaissaient et les aimaient. Les installer, aussi, dans notre souvenir, tous, sans exception.
Les journalistes du Monde se sont donc rassemblés pour écrire ce mémorial du 13 novembre. Systématiquement, nous avons pris contact avec leurs proches, membres de leur famille lorsque cela a été possible, amis ou collègues, pour qu’ils nous aident à dresser ces portraits. Pour chacun, nous leur avons aussi demandé de nous prêter une photo, l’image du visage qu’ils voulaient que l’on conserve dans ce souvenir collectif.
Le symbole du Paris des Lumières au XXIe siècle
En enquêtant sur ces jeunes vies volées, nous avons compris deux choses. D’abord, pourquoi les terroristes avaient choisi de frapper là, à ces endroits précis de Paris. Le Bataclan, bien sûr, temple mythique de la musique et du rock. Mais surtout ces restaurants et ces cafés des 10e et 11e arrondissements, des lieux d’habitués. Des cafés un peu en retrait des grandes avenues, où l’on connaissait le patron et les serveurs, où l’on avait une chance de retrouver des visages familiers. Des endroits où l’on se mélangeait, juifs, chrétiens ou musulmans, hommes ou femmes. Des endroits où l’on savait vivre ensemble. La Belle Equipe, où 19 personnes ont été tuées, c’était exactement cela : le soir du 13 novembre, deux groupes d’amis y fêtaient deux anniversaires ; deux groupes d’amis mélangés, à l’image de Paris. Le Stade de France, où un désastre plus grand encore semble avoir été évité, c’était aussi cela.
La deuxième chose que nous révèlent ces portraits, c’est à quel point les terroristes visaient, à travers leurs cibles ce soir-là, la jeunesse, l’intelligence, la culture, l’éducation et la tolérance. L’histoire de ces 130 vies se lit comme celle de la fine fleur d’une société confiante dans la réussite que peuvent lui donner le savoir, la science et l’ouverture d’esprit. Français ou étrangers venus en France précisément pour cela, ils étaient, ce 13 novembre, le symbole du Paris des Lumières, au XXIe siècle. Ce mémorial ne répond qu’à un seul vœu : qu’ils le demeurent.
(Nous publierons quotidiennement et progressivement dans le journal et sur Le Monde.fr des portraits des 130 personnes tuées le 13 novembre).