Euro 2016 : la Croatie trahie par des « terroristes du sport »
Euro 2016 : la Croatie trahie par des « terroristes du sport »
Par Anthony Hernandez (Saint-Etienne, envoyé spécial)
L’équipe d’Ante Cacic se dirigeait vers les huitièmes de finale, vendredi 17 juin, quand les débordements de ses supporteurs ont tout gâché et ont permis à la République tchèque d’accrocher le match nul (2-2).
Lors du match République tchèque-Croatie, vendredi 17 juin, au stade Geoffroy-Guichard de Saint-Etienne. | PHILIPPE DESMAZES / AFP
C’est ce que l’on appelle se faire hara-kiri. Vendredi 17 juin, à Saint-Etienne, la sélection croate se dirigeait sereinement vers une deuxième victoire en deux matchs et une qualification pour les huitièmes de finale quand quelques dizaines de ses supporteurs sont venus tout gâcher.
La Croatie menait 2-1 face à la République tchèque quand des incidents ont éclaté dans la tribune réservée à ses supporteurs. Au point que l’arbitre, Mark Clattenburg, a dû interrompre la partie pendant quatre minutes. Déstabilisés, les joueurs au damier rouge et blanc ont alors concédé l’égalisation sur un penalty de Tomas Necid dans les arrêts de jeu. La présidente croate, Kolinda Grabar-Kitarovic, n’a pas fait dans la dentelle : « Ce sont des ennemis de la Croatie. Ils haïssent leur équipe nationale et leur pays. Honte sur vous ! », a-t-elle réagi immédiatement sur sa page Facebook
Fumigènes sur la pelouse
Il faut dire que les fautifs se sont surpassés dans la bêtise. On jouait la 86e minute d’une rencontre où les coéquipiers de Luka Modric avaient montré tout leur talent. Ivan Perisic (37e) et Ivan Rakitic (59e) avaient donné un avantage confortable aux leurs et se voyaient déjà en huitièmes de finale. La réduction du score par Milan Skoda (76e) ne semblait être qu’une péripétie, tout comme la sortie à l’heure de jeu du génial Luka Modric, gêné par une douleur aux adducteurs. Les « Balkaniques » s’affirmaient comme l’une des plus belles équipes de cet Euro.
Jusqu’à ce qu’un cordon de CRS vienne prendre place derrière les buts du gardien croate, Danijel Subasic, sans doute pour prévenir un envahissement du terrain. Avant le coup d’envoi, des rumeurs d’introduction de fumigènes avaient couru et les contrôles avaient été renforcés… Visiblement inefficaces, puisque, seulement quelques minutes après l’entrée des forces de l’ordre, des fumigènes atterrissaient sur la pelouse.
Lors du match République tchèque-Croatie, vendredi 17 juin, au stade Geoffroy-Guichard de Saint-Etienne. | Michael Sohn / AP
Des stadiers essayaient d’éteindre les projectiles quand un bruit sourd s’est produit. Un pétard venait de faire chuter l’un d’entre eux. Puis, malgré les appels au calme de leurs joueurs, des bagarres sporadiques entre Croates éclataient alors que le bout de tribune incriminé était évacué.
« Une minorité de mecs stupides »
Déjà marqué par des violences à Marseille, l’Euro n’en finit plus avec les débordements extra-sportifs. Cette fois-ci, les incidents ont en plus eu des conséquences sur le cours du match, comme le reconnaissait le gardien tchèque, Petr Cech : « Les Croates avaient le contrôle du jeu jusque-là, mais ensuite ils ont perdu le rythme et nous avons pu en profiter. »
De quoi agacer le sélectionneur croate, Ante Cacic, jusqu’à lui faire perdre le sens de la mesure en conférence de presse : « Ce ne sont pas des supporteurs, mais des terroristes du sport. Je suis très triste, alors que l’équipe a joué un aussi bon match. » A sa décharge, l’entraîneur de 62 ans avait déjà pointé le problème de violence de certains supporteurs croates avant le début de la compétition.
« On parle de cinq à dix individus, j’espère qu’on pourra les appréhender et que la Fédération croate va tout faire pour les arrêter. Ce sont des gens qui font peur, c’est pour ça qu’on les appelle les hooligans », a-t-il ajouté. Autour du stade Geoffroy-Guichard, Dejan, fan venu de Zagreb, portait le même jugement : « C’est une minorité de mecs stupides qui ne pensent qu’à se battre et qui sont en conflit avec notre Fédération. »
Procédure disciplinaire
La Croatie est coutumière du fait, puisque, le 12 juin 2015, lors des éliminatoires, elle avait été sanctionnée d’un retrait d’un point, de deux matchs à huis clos et d’une amende de 100 000 euros pour une croix gammée tracée sur le terrain lors d’un match contre l’Italie à Split. A l’aller, à Milan, en novembre 2014, le jeu avait été interrompu à cause de jets de fumigènes.
L’UEFA a annoncé qu’une procédure disciplinaire allait être ouverte après ces incidents. « Peut-être qu’on sera obligés de jouer des matchs à huis clos mais, encore une fois, ce qui s’est passé est à cause de supporteurs stupides et non de la majorité », a anticipé Ivan Rakitic, le milieu de terrain du FC Barcelone, qui a lui-même présenté des excuses à l’UEFA.
Mardi 21 juin, à Bordeaux, la Croatie disputera la première place du groupe D à une impressionnante équipe d’Espagne. Et croisera les doigts pour que ses supporteurs se tiennent à carreau, comme leur maillot.