EA distille un peu de l’ambiance de l’E3 avec ses zombies en costume de figurant, ou l’inverse. | W.A. / Le Monde

Et à la fin, Bethesda a distribué des cuisses de dinde. C’est ainsi que s’est terminée une longue et éprouvante journée à Los Angeles – la première depuis l’ouverture effective des conférences précédant le Salon annuel du jeu vidéo, l’Electronic Exposition Entertainment (E3).

Ça s’est passé cette nuit

Dire que l’E3 2016 a résonné d’un vent de folie serait grandement exagéré. Pour compte de fantasies, au-delà de l’étonnante collation finale proposée par l’éditeur américain Bethesda, l’observateur moyen se sera contenté du strict minimum : des figurants en costumes de morts-vivants de Plants vs Zombies aux abords de la conférence d’Electronic Arts, vers midi heure locale, et cette déclaration coup de poing d’Andrew Wilson, le PDG de l’entreprise américaine, à propos de Battlefield One, son futur jeu de tir au cœur de la première guerre mondiale : « Oui, on pourra se battre à coups de pelles ». Tremblez zeppelins, toussotez biplaneurs, rouillez baïonnettes, la Grande Guerre se réglera à grands coups de transplanteur. On ne le répétera jamais assez, la pelle dans les jeux vidéo, plus qu’une arme, c’est un art de vivre.

Pour le reste, la journée a ressemblé à une étrange rediffusion du Jour de la marmotte, les deux éditeurs en lice semblant prendre un malin plaisir à donner aux spectateurs de leurs conférences l’étrange impression d’assister à un spectacle déjà vu. Bethesda a passé une bonne dizaine de minutes à présenter en détails Dishonored 2, déjà annoncé l’an passé, et à revenir sur Doom et The Elder Scrolls Online, pourtant déjà dans le commerce, pour évoquer de nouvelles extensions.

Electronic Arts a de son côté réussi la gageure de ne rien annoncer, à part le jeu au nom le plus court depuis Ys et X il y a vingt ans : Fe. Même Tifanfall 2, suite d’un jeu de tir entre méchas (gros robots) pas franchement bien vendu sur Xbox One, avait fuité sur l’une des chaînes officielles d’Electronic Arts (!) quelques heures plus tôt. Bethesda s’en est mieux tiré en annonçant le retour de Quake, une célèbre franchise de jeux de tir des années 1990.

« Ma vie sentimentale est aussi creuse que la conférence d’EA »

Face à ce concert de couacs, de naphtaline et de déjà-vu, une entité s’est levée, et avec autorité, a réinstauré l’humour, l’esprit et l’irrévérence dont cet E3 manquait tant : Internet. Des mots simples, un sens de la formule.

Un sens de l’iconographie raffiné et efficace.

Une maîtrise naturelle de la mise en scène et du non-dit.

Une compréhension innée de la stratégie des marques.

Bethesda a ressuscité Doom, Wolfenstein et Quake. Prochains sur la liste : Les Pogs, La vie de famille, Bill Clinton.

Le programme du jour

Heureusement, l’E3 ne fait que commencer. Lundi 13 juin, ce sont même très précisément les choses sérieuses qui commencent, puisqu’après les éditeurs américains, c’est au tour de deux constructeurs, Microsoft et Sony, et de l’éditeur français Ubisoft, réputé pour ses shows délurés, de monter sur scène. Demandez le programme.

  • Microsoft

C’est qui ? Le constructeur de la Xbox One, et l’éditeur de Halo, Forza et Gears of War.
Pourquoi suivre sa conférence ? Pour voir son nouveau modèle de console et son catalogue de fin d’année (Gears of War 4, Forza 2016, etc.)
Où la suivre ? Sur Twitch.
A partir de quelle heure ? 9 h 30 à Los Angeles, 18 h 30 en France.

  • Ubisoft

C’est qui ? L’éditeur d’Assassin’s Creed, Les lapins crétins, The Division.
Pourquoi suivre sa conférence ? Pour la présentation en détail de Watch Dogs 2, d’une nouvelle franchise, et les scènes de n’importe quoi habituelle de l’éditeur.
Où la suivre ? Sur Facebook, Twitch ou YouTube.
A partir de quelle heure ? 13 heures à LA, 22 heures en France.

  • Sony

C’est qui ? Le constructeur de la PlayStation 4, et l’éditeur d’Uncharted et Gran Turismo.
Pourquoi suivre sa conférence ? Pour le casque de réalité virtuelle PlayStation VR, pour voir s’il y a des annonces aussi incroyables qu’en 2015, ou parce que vous faites une insomnie.
Où la suivre ? Sur Twitch, YouTube, ou directement sur PlayStation 4.
A partir de quelle heure ? 18 h 30 à LA, 3 h 30 en France.

Les paris idiots de Pixels

La Xbox One’Scorpio’, dont le nom revient en boucle sur Internet depuis quelques semaines, n’est en fait qu’un des douze nouveaux modèles de consoles inspirés des signes du zodiaque que prépare le constructeur. Par exemple, la Xbox One Taurus aura plus de puissance ; la Gemini, compatible casque de réalité virtuelle, envoie le joueur dans une réalité parallèle ; la Bélier fait également ouvre-boîte, la Balance, pèse-fruits et pèse-personne, la Verseau, glaçons, et la Poisson, bain moussant. Comme pour l’astrologie, personne n’a jamais compris ce que faisait la Xbox One Capricorne. Quant à la Scorpio, elle s’autodétruit (elle existe déjà, c’était la Xbox 360).

Après avoir enfin accepté l’inexorable, le président Yves Guillemot prend acte de l’inéluctable prise de contrôle d’Ubisoft par Vivendi, et présente sa grille de programmes pour la rentrée : matinale jeux de plateforme animée par Bruce Toussaint, soirée primaire socialiste animée par les Lapins crétins, tandis qu’Altaïr, le premier assassin d’Assassin’s Creed, remplace Yann Barthès au « Petit journal ». Les synergies industrielles entre les deux groupes subjuguent les investisseurs ; l’action d’Ubisoft prend 79 %, et bientôt le double, lors de l’annonce de l’adaptation de la météo du « Grand journal » en jeu de tir multijoueurs en ligne.

Il se murmure que Sony annoncerait The Last of Us, ou un nouveau God of War. Ce serait gâcher : depuis qu’en 2015, le constructeur japonais s’est lancé dans le social en ressuscitant trois projets donnés pour morts, la réédition de Final Fantasy VII, l’arlésienne The Last Guardian et le spectral Shenmue III, la firme de Tokyo va continuer dans la voie du guérisseur en officialisant la sortie de Half-Life 3, running gag de l’industrie depuis douze ans, ainsi que la résurrection d’Elvis Presley et de la console Wii U de Nintendo. Quel talent.