Nicolas Sarkozy au siège du parti Les Républicains le 15 juin 2016. | JACQUES DEMARTHON / AFP

C’est un simple rappel à l’ordre, mais avec des mots lourds de sous-entendus. Jeudi 16 juin, la haute autorité de la primaire de la droite et du centre, saisie par Bernard Accoyer et Philippe Gosselin, les représentants des candidats François Fillon et Hervé Mariton, a adressé une recommandation destinée aux « candidats à la candidature » mais plus spécialement à Nicolas Sarkozy.

Cette juridiction chargée de contrôler la légalité du scrutin demande aux candidats « de distinguer aussi clairement que possible l’action qu’ils mènent dans le cadre du parti de celle qu’ils mènent dans le cadre de cette candidature ». Avec cette recommandation, l’instance tente de calmer une querelle politique qui plombe l’ambiance de la primaire.

Depuis plusieurs semaines, les candidats déclarés sont de plus en plus irrités de voir Nicolas Sarkozy rester président du parti (Les Républicains, LR) et utiliser les moyens de la formation politique tout en faisant campagne en vue de sa future candidature. L’ancien président ne fait plus mystère de sa participation à ce scrutin. Le 2 juin, il a affirmé à Valeurs actuelles qu’il savait s’il se présenterait et François Baroin lui a déjà apporté publiquement son soutien en expliquant qu’il ne « doutait pas » de sa détermination.

Mercredi 8 juin, le président des Républicains a tenu un grand meeting où il a déroulé un discours sur l’identité de la France dans la lignée de sa campagne présidentielle de 2012. A moindre frais, l’ancien chef de l’Etat cajole son futur électorat. De quoi énerver ses rivaux qui dépensent l’argent que leur équipe a amassé depuis des mois.

« C’est Chronos, il est maître du temps »

M. Fillon et M. Mariton ont fondé leur saisine sur l’article 10, alinéa 4 de la charte de la primaire, qui précise que « la haute autorité veille (…) au respect d’une stricte égalité entre les candidats ». Sauf que Nicolas Sarkozy s’est bien gardé d’annoncer officiellement sa candidature. Cette ambiguïté lui permet de se protéger derrière l’article 39 des statuts du parti, qui précise que « tout membre de la direction candidat à la primaire (…) est tenu de démissionner dès réception de sa déclaration de candidature ».

Interrogé sur ces critiques, il affiche clairement sa volonté de rester le plus longtemps possible en fonction. « J’ai été élu président et, depuis, le parti a plus de 250 000 adhérents, des finances rétablies et les bases d’un projet. Et aujourd’hui, on veut interdire au président de notre famille de présider ? », s’est-il étonné lors d’une discussion avec des journalistes, le 8 juin, en marge de son meeting à Saint-André-lez-Lille, dans le Nord, avant d’ironiser : « Mais si les autres avaient voulu être élus à ma place, il ne fallait pas qu’ils se gênent… »

En poussant la haute autorité à se prononcer, « les autres » aimeraient en fait que M. Sarkozy soit mis sous pression et démissionne après le conseil national du parti, le 2 juillet. Sans trop d’espoir puisque selon les statuts il aura jusqu’au 25 août pour se déclarer, soit « quinze jours » avant la date limite de dépôt des candidatures. « C’est Chronos, il est maître du temps, admet le proche d’un de ces candidats raillés par Frédéric Péchenard, directeur général du parti. Ce n’est pas très fair-play de leur part mais ils sentent les sondages remonter. »

Pas la même ligne chez les concurrents

Les principaux concurrents de Nicolas Sarkozy ne sont pas sur la même ligne d’attaque. L’équipe de François Fillon aurait aimé une action concertée et a proposé à Alain Juppé de se joindre à cette saisine. Le maire de Bordeaux n’a pas « jugé opportun » d’utiliser cette voie juridique, selon un de ses proches.

M. Juppé veut plutôt se battre sur le terrain politique pour dénoncer cette situation. « Ce n’est pas un problème juridique, c’est un problème moral, et éthique. En tout cas, ne reprenons pas certaines choses du passé, où l’on confondait un peu les choses entre les campagnes électorales et le financement du parti », a déclaré l’ancien premier ministre, vendredi 10 juin, sur France info.

Bruno Le Maire fait exactement la même analyse. « Ce sera aux électeurs de trancher, de déterminer s’il a franchi la ligne jaune ou pas. Ne comptez pas sur nous pour réactiver une guerre des chefs sur des motifs juridiques », estime Jérôme Grand d’Esnon, directeur de campagne du député de l’Eure.

Cette recommandation de la haute autorité ne devrait pas inquiéter outre mesure Nicolas Sarkozy. En privé, il se réjouit même de cette polémique : « Les autres sont tellement impatients… Je ne comprends pas pourquoi ils se donnent tant de mal pour me mettre au centre de tout… »