Zinedine Zidane, Youri Djorkaeff, Lilian Thuram et Marcel Desailly, le 12 juillet 1998 à Saint-Denis. | GABRIEL BOUYS/AFP

Dans une tribune au « Monde Afrique », l’ex-président de l’OM réagit aux propos de Karim Benzema sur le racisme en France à l’occasion de la sélection des Bleus pour l’Euro.

La France – et pas que celle du foot – s’enflamme et brûle depuis les déclarations de Karim Benzema parues dans le quotidien espagnol Marca sur sa non-sélection par Didier Deschamps.

Avant de parler du fond de ces déclarations, notons qu’elles ont eu au moins l’effet de ressouder et de rabibocher la classe politique, opportuniste à souhait et toujours prompte à voler au secours des grands principes comme du sélectionneur national.

Comme en écho à Thierry Braillard, secrétaire d’Etat aux sports, qui n’a pas tardé à condamner les propos de Karim Benzema, ont répondu immédiatement les piaillements outrés de Bruno Le Maire, candidat à l’investiture des Républicains. Ce dernier, avec une naïveté qui n’abuse personne, se demande où se trouve cette partie raciste de la France.

Après les positions prises spectaculairement par Eric Cantona et, à un degré à peine moindre, par Jamel Debbouze, les rebonds du ballon rond occupent l’espace et le débat quelques jours avant l’Euro, contribuant à vicier une atmosphère déjà suffisamment lourde de menaces et d’incertitudes.

Destructrice affaire de la « sextape »

La seule sélection d’Adil Rami, après le forfait de Jérémy Mathieu, était-elle suffisante et de nature à gommer ou à effacer le sentiment diffus ressenti par un nombre grandissant de personnes estimant, à tort ou à raison, que la partie basanée de la population est mal-aimée ? Que Didier Deschamps n’ait retenu ni Mathieu Valbuena ni même Karim Benzema après la destructrice affaire de la sextape peut se comprendre.

Mais quid d’Hatem Ben Harfa qui fut incontestablement le joueur le plus performant du dernier championnat de France ? Certes, il serait malsain pour un sélectionneur d’adosser ses choix à des critères ethniques ou raciaux. Mais, dans cette France trouble et crispée, divisée et chatouilleuse, appeler Ben Harfa dans ces conditions aurait été une manière de rassembler et de réunir. De retenter, même si c’est illusoire, le fameux Black-Blanc-Beur, avec les meilleurs enfants du pays.

Le football français n’existerait pas tout à fait sans l’apport multiple des populations venues d’ailleurs. Des Européens de différentes nationalités, certes, mais aussi des Africains du Sahel et des Africains du Maghreb, ces derniers constituant le plus fort contingent.

Sont-ils pour autant cooptés ou recrutés dans les instances dirigeantes ? Combien, parmi eux, deviennent à la fin de leur carrière cadres administratifs dans les clubs ?

« Il n’y a pas de racisme en France », a affirmé Bruno Le Maire. C’est peut-être vrai. Mais Régis Debray nous rappelait dernièrement que le contraire d’une vérité peut-être une autre vérité.

Pape Diouf a été président de l’Olympique de Marseille de 2005 à 2009.