Quel retour sur investissement après un mastère spécialisé ?
Quel retour sur investissement après un mastère spécialisé ?
Par Séverin Graveleau
Quelque 450 de ces formations à bac +6 labellisées sont proposées. Objectif : se spécialiser en seulement une année, au sein d’une grande école. Pour un coût souvent élevé.
Démonstration en 3D lors de la 15e édition du salon Laval Virtual, en 2013. | JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP
Prolonger ses études avec l’espoir d’être mieux armé pour trouver un emploi et faire la différence avec les autres candidats : les mastères spécialisés (MS), qui forment à bac + 6, sont de plus en plus prisés par les étudiants. Quelque 450 MS labellisés par la Conférence des grandes écoles (CGE) sont aujourd’hui proposés en France dans plus de 120 écoles. Plus de 7 000 étudiants s’y pressent chaque année, dont la plupart est titulaire d’un diplôme d’école de commerce ou d’ingénieur mais aussi d’un master (bac + 5) de l’université.
L’objectif : se former pendant un an dans un domaine peu ou pas abordé pendant leur formation initiale. « Pyrotechnie et propulsion », « Tunnels et ouvrages souterrains », « Facteurs humains et organisationnels du management de la sécurité industrielle »… Voilà certaines des spécialités accessibles.
Mais le coût de ce diplôme est plutôt élevé, voire très élevé. Il faut compter en effet de 3 000 à 20 000 euros selon les écoles. A ce tarif, les étudiants s’attendent vraiment à faire la différence lors de l’entretien d’embauche.
A sa sortie de l’Ecole supérieure des géomètres et topographes (ESGT) en 2010, Maxime Seguin, 30 ans, a choisi d’enchaîner sur un mastère spécialisé en « photogrammétrie » à l’Ecole nationale des sciences géographique (ENSG). Aujourd’hui « ingénieur géomètre topographe » en archéologie, il estime que « le retour sur investissement a été extrêmement bénéfique ».
Il n’empêche, comme beaucoup d’autres diplômés de mastères spécialisés, il mesure ce bénéfice non pas en termes de salaire mais de « possibilités ouvertes » par cette spécialisation. Selon lui, c’est clairement ce diplôme qui lui « a permis de faire la différence lors de [son] recrutement », et d’exercer aujourd’hui le métier auquel il aspirait. Seul « point négatif », selon Maxime, « le coût de la formation [4 000 euros], qui en limite l’accès à un certain nombre d’étudiants ».
« Accélérateur de carrière »
Du côté des responsables de formation des écoles, il n’y a pas de doute : le mastère spécialisé est un « réel accélérateur de carrière ». Chargée de quatre formations de ce type à CentraleSupélec, Céline Précis affirme que « plus de la moitié des étudiants font un prêt pour se payer cette formation ». Mais la spécialisation ou la double compétence acquise « fait la différence au bout d’un an et demi environ » estime-t-elle.
Le premier poste, poursuit Mme Précis, « ne sera pas obligatoirement d’un niveau plus élevé, mais, forts de leur spécialité, les diplômés connaissent ensuite une évolution de carrière beaucoup plus rapide ». Elle estime tout de même à 2 000 euros par an la différence de salaire minimal à l’embauche entre un bac + 5 et un bac + 6.
Cette valorisation salariale est confirmée par les recruteurs. Chez Deloitte France, cabinet d’audit et de conseil, on « apprécie ces profils hybrides » à « valeur ajoutée ». Felicitas Cavagné, associée responsable du recrutement, décrit les ingénieurs formés à l’audit en MS « capables de comprendre le langage technique des clients ». Selon Jean-Paul Brette, l’un des directeurs généraux français du cabinet de recrutement Hudson, les entreprises ont de moins en moins de temps à accorder « à l’intégration et à la formation des nouveaux entrants. Donc plus on colle aux besoins de l’entreprise, plus on a de chances d’être recruté ».
Sur la totalité des MS proposés dans les grandes écoles françaises, 44 % sont suivis en formation initiale, 10 % en formation continue, et 46 % sous les deux formes. Dans les deux derniers cas, le MS est aussi une façon pour des jeunes salariés de « s’adapter aux nouveaux besoins de l’entreprise et donner un second souffle à [leur] carrière », explique Patrice Houdayer, directeur des programmes de Skema Business School et membre de la commission accréditation de la CGE.
Image de marque et lien avec le monde professionnel
Au-delà de la « marque » de telle ou telle grande école qu’un mastère spécialisé permet d’apposer sur son CV, c’est grâce à ses liens avec le monde professionnel que ce diplôme est de plus en plus valorisé par les jeunes diplômés. Les interventions permanentes de professionnels dans les cours et l’obligation d’effectuer au moins quatre mois de stages pendant la formation permettent à l’étudiant d’étoffer son carnet d’adresses.
Résultat : dans la plupart des mastères spécialisés, une part importante de la promotion est recrutée avant même la fin de l’année. A l’Essec, c’est 30 % en moyenne. Cela tient au fait que ces diplômes sont élaborés en fonction des besoins des entreprises. « A nombre constant, entre 30 et 50 programmes de MS peuvent apparaître et/ou disparaître chaque année en fonction de l’évolution de la demande », affirme Patrice Houdayer. Toute nouvelle demande de labellisation d’un programme de la part d’une école doit être appuyée de lettres de soutien des entreprises.