Transformer des bureaux en abris temporaires pour les sans-logis
Transformer des bureaux en abris temporaires pour les sans-logis
Propos recueillis par Angèle Guicharnaud
Entretien - Solution d’hébergement d’urgence, les modules imaginés par des étudiants toulousains ont reçu le Prix de l’habitat.
Valero Doval
Tant de bureaux à louer restent longtemps vides alors que manquent cruellement les solutions d’urgence pour héberger les migrants et les sans domicile fixe. Ce constat a ému sept jeunes étudiants. Ils ont imaginé une solution modulaire et démontable pour procurer un toit provisoire et décent à ceux qui n’en ont pas, dans les espaces ouverts de bureaux inoccupés.
Ils ont conçu ces modules dans le cadre de leurs études, à l’Institut national des sciences appliquées (INSA) et à l’Ecole nationale supérieure d’architecture (ENSA) de Toulouse. L’initiative pourrait mener à la création d’une entreprise. « Il s’agit d’une sorte de seconde peau, montable et démontable en quelques jours », insiste Jaufret Barrot, 24 ans, étudiant à l’INSA, à l’origine de l’idée, baptisée Instant Modular Home. A Toulouse, en présence de ses comparses, Cinthia Carrasco, Baptiste Debort, Vincent Le Gal, Mathilde Miqueu, Théo Guérini et Valentin Massol, il explique la genèse et l’ambition de leur projet.
Comment est né Instant Modular Home ?
Je passe tous les jours devant des immeubles de bureaux vides, à proximité de Toulouse sud. Depuis cinq ans, la pancarte « A louer » n’a pas bougé. Dans le cadre de notre projet de fin d‘études, nous avons décidé, avec une camarade de l’ENSA, de nous intéresser à cet espace urbain, de réfléchir à la façon dont il pourrait être utilisé.
La transformation des bureaux en logements coûte cher. Pour convaincre les propriétaires des bâtiments, il fallait une solution simple. D’où l’idée des modules habitables mais temporaires, pour que les biens puissent être récupérés facilement, à la fin d’un contrat de six mois par exemple, le temps du plan de logement hivernal.
En parallèle, mon colocataire, qui étudie à l’INSA, a suivi un cours intitulé « développement d’entreprise ». Avec quatre autres étudiants de l’école d’ingénieur, il a rejoint le projet et nous avons travaillé ensemble sur le modèle économique.
Pourquoi vous être intéressés aux SDF et aux migrants ?
La situation des migrants à Calais et l’implantation de campements illégaux à Toulouse nous ont fait prendre conscience du manque de logements d’urgence et de l’impasse dans laquelle se trouvent certaines mairies. Elles doivent à la fois gérer le parc de logements sociaux, déjà surchargé, et proposer des solutions d’urgence. Nous voulions trouver un moyen d’améliorer l’accueil de ces populations dans le besoin.
Quel serait l’avantage pour les propriétaires de bureaux ?
Ils pourraient toucher un loyer s’ils acceptent un ou plusieurs de nos modules. Dans le cas de bureaux tout juste construits, la phase de commercialisation peut durer quelques mois, pendant lesquels ils pourraient accepter notre solution. Conserver des bureaux vides suppose des frais de gestion, de gardiennage et d’entretien. Occuper un bâtiment, c’est le meilleur moyen de se prémunir contre le vandalisme et les squats.
Quelles sont les caractéristiques de vos modules ?
Leur surface est de 35 mètres carrés, comprenant une chambre, une kitchenette, une salle de bains et des toilettes. La hauteur sera adaptable, entre 2 mètres et 2,4 mètres, selon les bureaux. Avec chauffage, électricité, eau courante et aérations. Les kitchenettes et les toilettes seront construites sur le modèle de celles des résidences étudiantes. Toutes les pièces seront séparées et emboîtables afin de s’adapter à différentes configurations. Les matériaux devront notamment permettre de trouver des solutions aux deux problèmes majeurs que sont le manque d’intimité et le bruit.
Comment comptez-vous financer le projet ?
Les mairies doivent parfois débourser 50 euros par jour par personne en frais d’hôtel. Nous comptons sur elles pour faire appel à nous plutôt que d’opter pour ces solutions onéreuses. L’idée est de proposer à la location des modules que nous fabriquerons, installerons et désinstallerons, pour six mois minimum. Les prototypes permettront d’affiner le modèle économique, mais nous pensons pouvoir aider les collectivités à diminuer ainsi leurs frais.
Quelles sont vos prochaines étapes ?
Nous avons rencontré des associations spécialisées dans le logement d’urgence, les personnes de la mairie et de la préfecture de Toulouse chargées de ces questions, ainsi que des bailleurs sociaux. Avant d’envisager une collaboration, tous ces acteurs attendent de voir le premier module habitable. Nous nous attelons donc maintenant à la fabrication et aux tests des prototypes.