La traditionnelle photo de famille avant l’ouverture du sommet de l’Union africaine à Kigali (Rwanda), le 17 juillet 2016. | CYRIL NDEGEYA/AFP

Le paradoxe est notable. Sur un continent où nombre d’hommes s’acharnent à rester au pouvoir, une femme se voit contrainte de se maintenir à la tête de la principale instance de l’Union africaine (UA). Nkosazana Dlamini-Zuma espérait passer la main, lundi 18 juillet, après quatre années à la tête de la Commission de l’organisation panafricaine. L’ex-ministre sud-africaine devra finalement attendre au moins six mois de plus avant de se consacrer, peut-être, à ses ambitions nationales. Réunis en sommet à Kigali, la capitale rwandaise, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UA ne lui ont pas trouvé de successeur et devront remettre le couvert en janvier 2017.

En dépit des demandes de report de ses homologues d’Afrique de l’Ouest, le Tchadien Idriss Déby, président en exercice de l’UA, avait arraché la tenue d’un vote. Mais aucun des trois prétendants – une ex-vice-présidente ougandaise, la chef de la diplomatie du Botswana et son homologue de Guinée-Equatoriale – n’a obtenu la majorité des deux tiers requise. « Tout le monde est traumatisé par la présidence Zuma et les trois candidats ne donnaient aucune garantie sur leur capacité à réformer l’institution », estime le conseiller d’un président ouest-africain, satisfait que de nouvelles candidatures puissent émerger d’ici à janvier.

Ces quatre dernières années, la Commission de l’UA est apparue souvent en retard, aphone ou impuissante sur les grandes crises continentales – Ebola, migrations, Burundi, Soudan du Sud. Mais cette impuissance est à l’aune de la conduite des chefs d’Etat qui affichent en public leur fibre panafricaniste, mais prétextent de leur souveraineté dès lors que leurs intérêts sont en jeu.

Stratégie claire

En dépit de ses insuffisances, l’UA reste cependant attractive, comme vient de le démontrer le Maroc. Après trente-deux ans de politique de la chaise vide, à la suite de l’admission de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) au sein de ce qui était alors l’Organisation de l’unité africaine (OUA), le roi Mohammed VI a officialisé, dimanche 17 juillet, sa volonté que le Maroc réintègre « sa place naturelle ». Un virage préparé de longue date par le souverain chérifien, qui, après avoir martelé le caractère africain de son royaume et dénoncé « une erreur historique » de l’OUA sur le Sahara occidental dont le Maroc occupe la majeure partie du territoire, justifie sans fard : « Après réflexion, il nous est apparu évident que, quand un corps est malade, il est mieux soigné de l’intérieur que de l’extérieur. »

Le roi n’a pas conditionné ce retour à une exclusion de la RASD, mais sa stratégie semble claire. Pour étouffer les revendications sahraouies, le royaume joue de son entregent diplomatique, de son rayonnement économique sur le continent et de sa puissance militaire, qui pourrait s’avérer utile aux missions de l’UA. A Kigali, 28 Etats avaient déjà signé, lundi, une motion appelant à la réintégration du Maroc et à la suspension de la RASD. Après la disparition de leur leader, Mohamed Abdelaziz, fin mai, et le revirement de plusieurs pays qui les soutenaient, les indépendantistes sahraouis ne peuvent plus compter que sur deux parrains historiques de poids, l’Algérie et l’Afrique du Sud. Trop peu pour empêcher un retour du Maroc. « Notre demande d’adhésion va être bientôt déposée et, si la majorité des Etats répond favorablement, notre retour pourrait même intervenir sous la présidence de Mme Zuma », se félicite, non sans ironie, Taïeb Fassi-Fihri, le conseiller diplomatique du roi.

Remontrances

Concernant la crise politico-militaire au Soudan du Sud, les chefs d’Etat présents à Kigali ont exprimé leurs préoccupations sur la survie du pays. Absents du sommet, le président sud-soudanais Salva Kiir et son vice-président et ennemi, Riek Machar, ont eu droit à leur lot de remontrances. Une réunion a été consacrée samedi au dernier-né des Etats africains pour proposer un nouveau plan de paix. Alors que les 12 000 casques bleus déployés se sont montrés incapables d’enrayer la dernière flambée de violence dans la capitale, Juba, plusieurs Etats africains se sont proposés d’apporter des troupes supplémentaires dans le cadre d’une « force régionale de protection ».

« Nous demandons un mandat plus large que celui de la protection des civils, relate François FaIl, l’un des médiateurs africains. Ces troupes seront chargées de protéger les installations, l’aéroport, mais aussi d’assurer la sécurité de Riek Machar. Pour éviter de nouvelles confrontations, on ne peut plus laisser deux armées face à face à Juba. » Pour cela, il faudra obtenir au préalable une approbation du Conseil de sécurité de l’ONU, convaincre Salva Kiir, qui rejette tout envoi de forces supplémentaires, et retrouver Riek Machar, dont personne ne sait où il se trouve.