Ils ont longtemps été les seigneurs de l’agriculture, ceux qui pouvaient rouler en voiture de luxe dans un secteur souvent en crise. Cette année, les céréaliers français vont se retrouver fauchés. La faute à une moisson catastrophique.

En moyenne, le rendement des producteurs de blé ne devrait pas dépasser 5,5 tonnes à l’hectare, selon les estimations présentées ce mardi 9 août par le cabinet Agritel. Cela représenterait une chute de plus de 30 % par rapport à la récolte 2015, plutôt bonne, et de 26 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années. « Il faut remonter à 1983 pour retrouver un rendement aussi bas », précise Michel Portier, céréalier dans l’Oise et directeur d’Agritel. Au total, la production tricolore devrait tomber autour de 29 millions de tonnes seulement, contre 40,9 millions de tonnes en 2015, selon Agritel comme selon l’Etat.

Les agriculteurs n’ont rien vu venir. « En juin, les champs étaient beaux, avec beaucoup d’épis, et on a tous cru qu’on ferait une bonne récolte », raconte M. Portier. Ces dernières semaines, il a fallu déchanter. Car dans chaque épi, le nombre de grains s’est révélé particulièrement décevant. En cause, la météo en mai et juin en France, surtout dans la partie nord du pays. Enormément de pluie, peu de lumière. Les fleurs ont avorté, porté moins de grains, et de plus mauvaise qualité. Résultat, une moisson calamiteuse.

Dans le rouge

Les paysans ne seront pas sauvés en vendant au prix fort. Sur le reste du globe, les professionnels s’attendent en effet au contraire à une moisson record. Si bien que les cours mondiaux sont au plus bas depuis 2009. Cette déprime pèse sur les prix français, même s’ils restent un peu supérieurs à ceux du blé russe avec lesquels la compétition est directe.

Dans ces conditions, les céréaliers français vont réduire nettement leurs exportations hors d’Europe. Elles pourraient chuter de plus de 60 %, selon Agritel. La France perdrait ainsi, temporairement, sa place de premier exportateur européen de blé au profit de l’Allemagne.

Surtout, de nombreux agriculteurs vont passer dans le rouge, avec une perte moyenne estimée par Agritel entre 60 000 et 70 000 euros pour une exploitation de 120 hectares. Le gouvernement prépare déjà des mesures d’accompagnement pour les fermes en difficulté : aide à l’obtention de prêts bancaires ou à la restructuration de la dette, dégrèvements sur la taxe de foncier non bâti pour les parcelles concernées.

« Il y aura, au cas par cas, un report, voire des remises pour toute la panoplie qui existe. Il faut que chacun puisse se remettre », explique-t-on au cabinet de M. Le Foll. Les agriculteurs pourront aussi bénéficier de dérogations exceptionnelles aux obligations à remplir pour recevoir les aides européennes.

Le plan n’a pas encore été chiffré. « Il n’y a pas de budget affecté, on prend les demandes et ensuite on fait un effort », explique-t-on au ministère.