Des juges d’instruction vont enquêter sur le scandale de la Dépakine
Des juges d’instruction vont enquêter sur le scandale de la Dépakine
Le Monde.fr avec AFP
Le parquet de Paris a ouvert jeudi une information judiciaire, au lendemain de la constitution de partie civile d’une association de victimes.
Lorsqu’une femme enceinte prend ce médicament, son enfant présente un risque élevé – de l’ordre de 10 % – de malformations congénitales. | PHILIPPE HUGUEN / AFP
Des juges d’instruction vont enquêter sur le scandale de la Dépakine, un antiépileptique prescrit à des femmes enceintes malgré les risques connus pour la santé du fœtus, a annoncé vendredi 23 septembre une source judiciaire. Le parquet de Paris a ouvert jeudi une information judiciaire, qui fait suite à l’enquête préliminaire menée sous son autorité depuis septembre 2015.
L’instruction est ouverte pour « tromperie sur les risques inhérents à l’utilisation du produit et les précautions à prendre ayant eu pour conséquence de rendre son utilisation dangereuse pour la santé de l’être humain », ou tromperie aggravée, et blessures involontaires, a précisé la source judiciaire. Les investigations porteront sur la période de 1990 à avril 2015.
Médicament de référence
L’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a rendu en février 2016 un rapport qui pointe la « faible réactivité » du laboratoire commercialisant la Dépakine, Sanofi, et de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), qui n’ont pas suffisamment informé des risques connus pour les patientes enceintes.
La molécule en cause, le valproate de sodium, est considérée comme un médicament de référence, incontournable pour certains patients atteints d’épilepsie. Il est commercialisé par le laboratoire Sanofi depuis 1967, sous la marque Dépakine, mais aussi sous des marques génériques. Il est aussi prescrit aux personnes souffrant de troubles bipolaires sous les noms de Dépamine et Dépakote.
Dispositif d’indemnisation
Lorsqu’une femme enceinte prend ce médicament, son enfant présente un risque élevé – de l’ordre de 10 % – de malformations congénitales, mais également un risque accru d’autisme et de retards intellectuels ou moteurs, pouvant atteindre jusqu’à 40 % des enfants exposés.
Plus de 12 000 enfants en France pourraient souffrir de ces séquelles, selon l’épidémiologiste Catherine Hill, qui a établi une estimation « prudente » à partir des ventes du médicament et du nombre de femmes enceintes traitées. A la fin d’août, le ministère de la santé a reconnu que plus de 14 000 femmes enceintes avaient été « exposées » entre 2007 et 2014 et a annoncé la mise en place d’un dispositif d’indemnisation des victimes.
Connues depuis les années 1980, les malformations portent principalement sur le cœur, les reins, les membres, la colonne vertébrale (spina bifida) et incluent des becs-de-lièvre. Les risques neuro-développementaux ont commencé à émerger au milieu des années 1990, mais il faudra attendre 2006 pour que le médicament, indispensable chez certains patients ne réagissant pas aux autres antiépileptiques, soit déconseillé en cas de grossesse, et un arbitrage européen en novembre 2014 pour que l’ensemble des risques soient répertoriés.