Le « Petit Journal », comme une impression de déjà-vu
Le « Petit Journal », comme une impression de déjà-vu
Par Renaud Machart
En quatre jours, la nouvelle mouture de l’émission présentée par Cyrille Eldin sur Canal+ a peiné a convaincre.
Cyrille Eldin, le nouvel animateur du « Petit Journal » de Canal+. | XAVIER LAHACHE/CANAL+
En quatre jours, Cyrille Eldin, le nouvel animateur du « Petit Journal » de Canal +, du lundi au jeudi à 20 h 30 (l’émission du vendredi étant constituée d’une compilation des meilleurs moments de la semaine), aura perdu près de la moitié de ses téléspectateurs : lundi 5 septembre, pour la première – comme il se doit observée par curiosité –, il avait rassemblé 942 000 personnes ; jeudi, elles n’étaient plus que 590 000.
Les amateurs du « Petit Journal » version Yann Barthès, son précédent animateur, qui inaugurera sa nouvelle émission, « Quotidien », lundi 12 septembre à 19 h 10 sur TMC, n’auront pas retrouvé le cocktail d’« infotainment » qui faisait le sel du « Petit Journal ».
En regardant Cyrille Eldin, connu pour ses séquences moqueusement consensuelles d’interviews en « micro-trottoir » de personnalités politiques (d’abord au « Supplément », puis au « Grand Journal », où il avait suivi Maïtena Biraben au cours de la saison 2015-2016), ils n’auront certainement pas davantage retrouvé d’ersatz convainquant.
Eldin, qui est à peine plus âgé que Barthès (ils sont respectivement nés en 1973 et 1974), a pourtant l’air d’un adulte faisant le pitre tandis que son prédécesseur, avec ses airs de Puck narquois et sans âge, donnait l’illusion à ses téléspectateurs, plutôt jeunes, d’être des leurs.
La formule de café-théâtre qu’emprunte Eldin, avec les codes du chansonnier – façon « La Revue de presse », sur Paris Première, mais en plus subtil – n’est pas non plus de première jeunesse, de sorte qu’il y a, dans ce « Petit Journal » new look, quelque chose de daté et de déjà vu. On pense parfois à l’esprit du « Petit Rapporteur », mais il faut avoir passé la cinquantaine pour s’en souvenir. Et lorsqu’on s’en souvient, on ne peut que constater que c’est en moins bien.
De surcroît, ainsi qu’on le pressentait lundi, après la première de l’émission, Eldin reprend à peu près la teneur et le principe de ses séquences passées, qui ont fait son succès et sa détestation (auprès de Jean-Luc Mélenchon, par exemple, qui vient de lancer quelques tweets violents à l’adresse de Cyrille Eldin), en les passant au format « long ».
Avec, cependant, quelques séquences intercalaires pour donner l’illusion d’une émission rubriquée. Mais on espère que les prochains sketchs comiques seront moins consternants que ceux de « Marjoprésidente » (mardi 6 septembre) et du standardiste du QG de campagne de Frédéric Lefebvre, candidat à la primaire des Républicains (mercredi 7 septembre). Les entretiens en plateau (mardi avec Nathalie Kosciusko-Morizet, mercredi avec le journaliste d’économie François Lenglet, jeudi avec le journaliste André Bercoff) avaient en revanche de la tenue, à la manière « à tu et à toi » d’Eldin.
« Le charme ne fait pas tout »
Occupé à Paris, l’animateur n’a pu que dépêcher deux comparses féminines – Sandrine Calvayrac et Mathilde Warnier – sur les lieux des festivités politiques et politiciennes. Mais, avec une condescendance paternaliste qu’on pourrait prendre pour du sexisme, il ne les a présentées, lundi, que par leur simple prénom. Et d’ajouter plus tard, alors qu’une d’entre elles n’avait rien obtenu pour son micro de Nicolas Sarkozy : « Le charme ne fait pas tout… »
Les deux jeunes femmes se sont assez bien acquittées de leur tâche, avec cependant des répliques qui sentent leur « Eldin sans peine » soufflé à l’oreille : ainsi, voyant, au meeting de Marine le Pen, une dame du public la tête ceinte d’un turban, l’une d’elles se moque : « C’est pratique le voile quand il fait chaud ! »
Eldin est intelligent, il a de la répartie, il est souvent drôle, les citations dont il aime émailler son propos dénotent une probable culture. On sent pourtant se répéter, avec cette nouvelle mouture du « Petit Journal », le tragique feuilleton Sophia Aram, animatrice mal distribuée de « Jusqu’ici tout va bien » pendant un petit trimestre, sur France 2, en 2013. On ne le lui souhaite pas.