Bombardements à Alep : Moscou accusé de crimes de guerre devant l’ONU
Bombardements à Alep : Moscou accusé de crimes de guerre devant l’ONU
Par Marie Bourreau (New York, Nations unies, correspondante)
La France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont durci le ton contre la Russie, accusée d’avoir noué un « partenariat » avec le régime syrien. Le représentant français à l’ONU a comparé Alep à « Sarajevo pour la Bosnie ».
L’ambassadrice des Etats-Unis à l’ONU, Samatha Power, le 25 septembre à New York. | BRYAN R. SMITH / AFP
Le ton habituellement feutré du Conseil de sécurité de l’ONU a laissé la place à des attaques au vitriol entre les ex-parrains de la trêve en Syrie, Américains et Russes, mais aussi Britanniques et Français, qui ont durci le ton contre Moscou. « Nul ne peut nier que la Russie a noué un partenariat avec la Syrie pour mener des crimes de guerre », a déclaré l’ambassadeur britannique, Matthew Rycroft, qui a aussi réclamé que la Syrie soit référée à la Cour pénale internationale.
Le Conseil de sécurité, réuni dimanche 25 septembre en urgence à la demande de Paris, Londres et Washington, devait accentuer la pression sur le Kremlin en rendant publique l’entreprise de destruction systématique en cours dans les quartiers rebelles de l’est d’Alep, devenue le symbole de « la ville martyre » au même titre que « Sarajevo pour la Bosnie ou Guernica pour la guerre d’Espagne », selon le représentant français à l’ONU, François Delattre.
Les aviations russe et syrienne ont procédé aux bombardements « les plus soutenus et les plus violents depuis le début du conflit syrien, a souligné l’envoyé spécial de l’ONU en Syrie, Staffan de Mistura. Nous avons atteint à Alep de nouveaux sommets d’horreur » avec l’utilisation de bombes incendiaires au phosphore et anti-bunker, capables de détruire les installations souterraines où se trouvent principalement des hôpitaux et des écoles.
L’électricité et l’eau ont été coupées à cause de l’intensité des frappes et font maintenant craindre une crise sanitaire. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, environ 45 personnes ont trouvé la mort pour la seule journée de samedi 24 septembre, dont une dizaine d’enfants.
« Ecran de fumée »
Alep sera-t-elle pour autant le tombeau des efforts diplomatiques qui ont poussé les Américains et les Russes à se rencontrer à de multiples reprises cette dernière semaine, lors de l’Assemblée générale de l’ONU, pour tenter de relancer une trêve ? M. Delattre a condamné violemment la duplicité de Moscou, qui s’est servi de ces tractations diplomatiques comme d’« un écran de fumée » pour mieux poursuivre sa conquête militaire en soutien à l’armée syrienne.
Les Russes ont rejeté la faute de cette escalade militaire sur la coalition internationale menée par Washington, « qui a armé des centaines de groupes terroristes et bombardé sans discernement », selon le représentant de Moscou à l’ONU, Vitali Tchourkine. L’argumentaire est toujours le même : toute trêve est caduque tant que l’opposition modérée ne se dissocie pas du groupe terroriste Front Fatah Al-Cham (ex-Front Al-Nosra). « Dans ces conditions, restaurer la paix est mission impossible », lâche-t-il.
Les Etats-Unis n’ont pas de leçon à recevoir sur le risque terroriste, lui répond, en substance, Samantha Power, l’ambassadrice américaine, qui accuse, cinglante : « Ce que fait la Russie à Alep, ce n’est pas de la lutte contre le terrorisme. C’est de la barbarie. »
Un enfant enseveli sous les décombres, le 23 septembre dans le quartier d’Al-Marja, à Alep. | AMEER ALHALBI / AFP
Quelque 275 000 personnes subissent actuellement un siège qui dure depuis trois semaines dans les quartiers orientaux d’Alep, tenus par les rebelles.
« Des groupes terroristes comme Al-Nosra sont effectivement présents à Alep, cela a été confirmé par tout le monde, y compris les Américains. Mais ce n’est en aucune façon un argument pour justifier des bombardements aériens sur des zones urbaines très habitées. 275 000 personnes continuent de vivre dans les quartiers est d’Alep. Elles ne peuvent pas être toutes des terroristes », s’est alarmé, devant la presse, Staffan de Mistura, l’envoyé spécial de l’ONU, quelques minutes après la fin de la réunion.
Face à l’impasse diplomatique, M. de Mistura assure : « On me demande souvent pourquoi je ne démissionne pas. Mais ce serait perçu comme un signe de renoncement de la communauté internationale et des Nations unies. Les Syriens ne peuvent pas être abandonnés par tout le monde. »