La gynmnaste américaine, Simone Biles – ici le 9 août 2016 –, est l’une des quatre athlètes visées par le piratage des données de l’Agence mondiale antidopage. | DAMIR SAGOLJ / REUTERS

Des pirates ont mis en ligne, mardi 13 septembre, des documents internes à l’Agence mondiale antidopage (AMA) concernant quatre athlètes américaines ayant participé aux Jeux olympiques de Rio : la gymnaste Simone Biles, les joueuses de tennis Venus et Serena Williams et la basketteuse Elena Delle Donne.

Les documents publiés attestent de la prise de produits interdits par ces sportives. Seulement voilà : ces résultats d’analyses n’ont en fait jamais été considérés par l’AMA comme des contrôles positifs, car les intéressées disposaient des « autorisations à usage thérapeutique » pour les substances en question.

« Dans chacun des cas, la sportive concernée a agi totalement correctement en suivant les règles pour obtenir la permission d’utiliser le traitement requis », a insisté le patron de l’Agence antidopage américaine, Travis Tygart, celui qui avait fait chuter de son piédestal le septuple vainqueur américain du Tour de France, Lance Armstrong.

Concernant Simone Biles, la Fédération américaine de gymnastique a précisé dans un communiqué que la quadruple championne olympique avait elle aussi bénéficié d’une exemption thérapeutique de la part de l’AMA. La Texane de 19 ans s’est par ailleurs défendue sur son compte Twitter : « Je suis atteinte d’ADHD [trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité] et je prends un traitement depuis que je suis petite. » Pour sa part, Venus Williams s’est dite « consternée d’apprendre que [ses] données privées médicales avaient été piratées par des hackeurs et publiées sans [sa] permission ».

La piste des pirates russes

L’AMA a violemment protesté, par la voix de son directeur général, Olivier Niggli :

« L’AMA regrette profondément cette situation et est consciente de la menace représentée pour les athlètes dont des informations confidentielles ont été divulguées par cet acte criminel. »

Dans son communiqué, l’AMA explique que les forces de l’ordre ont identifié les responsables du piratage. Il s’agirait de Fancy Bear, l’un des nombreux noms donnés par plusieurs entreprises de sécurité informatique traquant, depuis 2014, ses activités d’espionnage.

De fait, le site et la page Facebook diffusant les documents volés sont à ce nom. Les pirates y dénoncent le « dopage » ainsi que la « corruption » du Comité international olympique et de l’AMA.

Fancy Bear n’est pas un nouveau venu : ce groupe d’envergure étatique, fortement soupçonné d’être une émanation du renseignement militaire russe, est soupçonné d’être derrière de nombreux piratages, notamment en France, où les enquêteurs les suspectent de s’en être pris à TV5 Monde. Ils sont surtout soupçonnés d’avoir récemment piraté le Parti démocrate ; un événement qui a accru les tensions entre la Russie et les Etats-Unis dans le cyberespace.

Pour l’AMA, c’est donc la Russie qui se trouve derrière ce piratage. « Ces actes criminels compromettent grandement l’effort de la communauté mondiale antidopage de rétablir une relation de confiance avec la Russie », a argué Olivier Niggli dans son communiqué. Le porte-parole du Kremlin a nié toute implication de son pays.

La revendication du piratage de l’AMA ne correspond cependant pas aux méthodes de ce groupe très organisé. Il paraît très inhabituel pour eux de créer un site Internet – qui plus est au nom que leur donne les chercheurs qui les traquent – pour y publier leurs trouvailles. Par ailleurs, le site Internet et la page Facebook comportent de nombreuses références au mouvement des Anonymous (slogan, images…), un groupe pourtant éloigné de l’appareil militaire russe.

Le groupe ne semble en tout cas pas vouloir en rester là. « Il s’agit juste de la face visible de l’iceberg », ont-ils ainsi précisé sur leur site :

« Attendez pour voir très bientôt des preuves sensationnelles sur des athlètes ayant pris des substances dopantes. »

« Face visible de l’iceberg »

Il s’agit de la deuxième attaque depuis le début du mois d’août contre le système de gestion et de localisation de l’AMA, qui lui permet d’assurer le suivi des contrôles antidopage. La précédente attaque avait été révélée par l’Agence après que les informations confidentielles de la lanceuse d’alerte russe Yuliya Stepanova ont été piratées et récupérées.

La coureuse de 800 m avait été à l’origine des révélations du rapport McLaren du 18 juillet sur un dopage d’Etat généralisé en Russie, après avoir témoigné à visage découvert en 2014 auprès de la chaîne de télévision allemande ARD.

A la suite des révélations de l’AMA et de ses deux rapports ravageurs pour le pays, plus d’une centaine de ses sportifs avaient été privés des JO de Rio, par les diverses fédérations internationales. La plus sévère, l’IAAF, la Fédération internationale d’athlétisme, avait notamment décidé de mettre hors jeu 67 des 68 athlètes en compétition.