Espagne : combat de chefs à Podemos
Espagne : combat de chefs à Podemos
Par Sandrine Morel (Madrid, correspondance)
Le chef de file de Podemos, Pablo Iglesias, et son numéro deux, Iñigo Errejon, se livrent une bataille en public sur l’orientation que doit prendre la formation de la gauche anti-austérité.
Iñigo Errejon et Pablo Iglesias, le 25 mai à Madrid. | ANDREA COMAS / REUTERS
La crise des socialistes espagnols pourrait être une aubaine pour Podemos. Le jeune parti de la gauche anti-austérité n’a jamais caché son souhait de se substituer au Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) et devenir le parti « hégémonique » de la gauche en Espagne. Mais pourra-t-il récupérer les voix des électeurs épouvantés par la guerre interne à laquelle se livrent les dirigeants socialistes ? Rien ne le laisse présager. Non seulement les résultats des dernières élections, législatives et régionales, auxquelles il s’est présenté, ont été décevants, mais Podemos est lui aussi en proie à des luttes internes. Celle qui oppose Pablo Iglesias, le chef de file charismatique qui a propulsé le parti sur le devant de la scène médiatique en 2014, et son numéro deux, Iñigo Errejon, le stratège modéré qui est parvenu à séduire d’anciens électeurs socialistes, menace depuis plusieurs semaines de déchirer le parti.
Les divergences entre les deux hommes ne sont pas nouvelles, mais elles ont atteint une dimension publique, avec la décision, prise début septembre par des proches d’Iñigo Errejon, de présenter une liste alternative à celle des candidats « officiels » de Pablo Iglesias pour les primaires du parti dans les régions de Madrid et en Andalousie.
« Défi »
Derrière ce combat de chefs, c’est la stratégie de Podemos, et son orientation, qui est en jeu. Ces derniers mois, Pablo Iglesias s’est rapproché du Parti communiste et des anticapitalistes. Il a abandonné le ton modéré qu’il avait adopté lors de la campagne du 26 juin, quand il appelait à voter pour « la vraie social-démocratie » qu’il disait représenter. Dans un meeting en Galice, le 20 septembre, Pablo Iglesias a justifié cette nouvelle stratégie en affirmant que « le jour où nous arrêterons de faire peur à ceux qui s’enrichissent sur le dos des gens, nous n’aurons plus aucun sens comme force politique. »
Iñigo Errejon, qui avait été le stratège de la dernière campagne, se sent alors visé. « Aux puissants, nous leur faisons déjà peur, ce n’est pas cela le défi. Le défi, c’est de séduire la partie de notre peuple qui souffre mais n’a pas encore confiance en nous », lui répond-il.
Dans ce climat tendu, les langues se délient. Et après avoir nié pendant des mois des divergences de fond, des membres de Podemos reconnaissent que les proches d’Iñigo Errejon seraient prêts à soutenir un gouvernement minoritaire de Pedro Sanchez – s’il conserve sa place à la tête du PSOE –, pourvu que Mariano Rajoy quitte le pouvoir, alors que Pablo Iglesias exige un gouvernement de coalition avec la moitié des portefeuilles ministériels pour Podemos.
Dans les prochains mois, les deux courants mesureront leurs forces en Andalousie et à Madrid. Sauront-ils éviter une crise interne dans la ligne de celle que vit aujourd’hui le PSOE ?