Notre inquiétante méfiance à l’égard des vaccins
Notre inquiétante méfiance à l’égard des vaccins
Editorial. Scandales sanitaires et mauvaises décisions ont contribué à saper la confiance que les Français avait en la vaccination. Il est indispensable de la reconstruire
Campagne de vaccination contre la grippe, à Lille, en octobre 2015. | PHILIPPE HUGUEN/AFP
Editorial du « Monde ». La France est à la première place, mais il n’y a pas de quoi être fier ! Une vaste étude conduite dans 67 pays conclut, en effet, que nous sommes le pays où l’on doute le plus de la sécurité des vaccins. Plus de 40 % des Français expriment une méfiance à leur égard que sont loin de partager les habitants d’Asie du Sud-Est, d’Afrique, d’Amérique ou de la Méditerranée orientale. Les trente pays d’Europe analysés partagent cette forte suspicion – sept des dix pays les moins confiants sont européens – mais la France se distingue par l’ampleur du phénomène.
Comment l’expliquer ? Comment y remédier ? Le temps qui passe aurait tendance à faire oublier les progrès accomplis grâce à la vaccination. Non seulement elle a permis d’éradiquer officiellement la variole en 1980, une terrible maladie infectieuse éliminée par une campagne mondiale de vaccination, mais le monde est proche d’atteindre le même objectif avec la poliomyélite. Leur disparition de nos pays apparaît maintenant comme un fait acquis, en négligeant les efforts soutenus qu’il a fallu déployer pour y arriver.
La vaccination obligatoire – pour l’instant en tout cas – contre la diphtérie, la poliomyélite et le tétanos a éloigné ces maladies. Certes, le nombre de cas de tétanos en France est limité (de l’ordre d’une douzaine par an) mais un tiers d’entre eux sont mortels et, selon l’Organisation mondiale de la santé, l’infection ferait 164 000 morts par an dans le monde. En 2015, en Espagne, un enfant dont les parents refusaient la vaccination est décédé à la suite d’une diphtérie, une maladie qui refait une apparition dans ce pays trente ans après son éradication.
Les maladies infectieuses en général – celles que l’on peut prévenir par la vaccination n’y font pas exception – ne connaissent pas les frontières et ne manquent jamais de réapparaître quand la pression vaccinale cesse et que l’agent pathogène – virus ou bactérie – circule. L’enquête du Vaccine Confidence Project souligne d’ailleurs que l’opinion selon laquelle les vaccins sont importants pour les enfants est très majoritairement répandue. En particulier dans des pays ayant pu constater au cours des toutes dernières décennies l’amélioration spectaculaire de la santé infantile.
L’indicateur de la confiance des citoyens
Les raisons du succès croissant, dans certains pays, de l’idée selon laquelle les vaccins ne sont pas sûrs tiennent en un mot : défiance. Intégrée dans des politiques sanitaires décidées par les autorités gouvernementales, mise en œuvre par les médecins et produite par des industriels, la vaccination est l’indicateur de la confiance des citoyens dans l’Etat, la communauté soignante et les entreprises pharmaceutiques.
Force est de constater que, en France en particulier, l’on croit de moins en moins à l’intégrité ou à la compétence de ces trois acteurs. Chaque mauvaise décision, chaque faux pas de communication, chaque scandale sanitaire érode un peu plus la confiance. Et dans ce domaine, la France s’est, hélas !, distinguée : organisation militaire de la campagne de vaccination contre la grippe H1N1, cafouillages sur la vaccination contre l’hépatite B largement hors cible, scandales divers et profits excessifs sur les vaccins. Nous n’avons manqué aucune occasion de saper la confiance.
Il est indispensable de la reconstruire. Et, pour cela, de faire tous les efforts nécessaires pour convaincre de l’importance des vaccins, sans dogmatisme et en comprenant la nécessité d’entendre les doutes exprimés.