La direction du syndicat étudiant FAGE, avec Jimmy Losfeld (au centre), en mars, à l’Hôtel Matignon. | THOMAS SAMSON / AFP

Sac à dos et pataugas, Jimmy Losfeld devait partir durant l’été 2016 pour un long trek avec « un pote » entre Cambodge et Laos. Un projet qui tourne court lorsque, à la fin de l’année universitaire, la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE), décide de porter à sa tête cet étudiant en physique et ingénierie de 23 ans, qui vit à Strasbourg. Oubliées les rives du Mékong, celui qui était jusqu’ici délégué général de la Fédération rejoint les bords de la Seine pour exercer son nouveau job de président de syndicat étudiant, succédant à Alexandre Leroy.

Les marches de la vie associative étudiante, le jeune Franc-comtois les a grimpées quatre à quatre. Bac S en poche en 2010, il obtient à 17 ans l’aval paternel pour quitter Montbéliard, le cocon familial et « les potes ». « J’avais besoin d’émancipation », résume-t-il. Un envol obtenu jusqu’à Strasbourg.

Un peu seul sur le campus de l’université, l’étudiant à l’allure de jeune homme sage, se tourne vers la vie associative et intègre, dès son entrée en licence, l’Amicale de physique chimie. Deux mois plus tard, il en est bombardé « vice-président » avec à la clef des responsabilités, un budget, des projets à mener à bien. « J’ai mis le doigt dans l’engrenage de la vie associative, j’ai été aspiré », analyse-t-il.

Face à Manuel Valls et Emmanuel Macron

L’année suivante, il intègre la direction de la puissante Association fédérative générale des étudiants de Strasbourg (Afges), elle-même membre de la FAGE. En 2013, il poursuit son ascension en prenant la tête de cette entité et intègre la direction de la Fédération, dont il devient délégué général. Au printemps 2016, lorsque les étudiants sont dans la rue contre la loi travail, il a sa place à la table de négociations, face à Manuel Valls et Emmanuel Macron. Un parcours parachevé, une fois son master obtenu, par son élection à la tête de l’organisation étudiante.

Mais 2016 c’est aussi l’année du lancement de la campagne pour une tout autre élection : la présidentielle. « C’est une année à enjeux. Toutes les politiques devront afficher un projet politique pour la jeunesse », souligne-t-il. A l’issue des élections qui se sont déroulées dans de nombreuses universités en 2016, la FAGE revendique une place équivalente à celle de sa rivale, l’UNEF, et compte peser sur les projets des candidats. « Nous serons présents pour influencer les débats », assure son nouveau président.

Comment ? La crédibilité des associations se construit d’abord en montant des « projets étudiants pour les étudiants. Lorsque nous montons sur les campus des épiceries solidaires comme Agoraé, nous prouvons que nous savons de quoi nous parlons lorsque nous abordons le sujet de la précarité étudiante », s’enflamme Jimmy Losfeld.

Le danger c’est « l’immobilisme »

Son modus operandi : mobiliser les compétences et avancer. « Il y a, au sein de la FAGE, des personnes plus pointues, plus qualifiées. Moi, je joue le rôle de chef d’orchestre », illustre-t-il. Le danger, selon le nouveau patron de la Fédération, c’est « l’immobilisme ». Pour preuve de l’énergie que son syndicat consacre à la cause étudiante, il cite les aménagements au projet de loi travail obtenus. Alors que l’UNEF demandait le retrait du texte de la ministre du travail, Myriam El Khomri, « nous avons négocié avec le gouvernement et obtenu la garantie jeunes. L’UNEF est dans le dogme. Ce syndicat, en s’opposant, n’obtient rien de plus que le statu quo. Et préfère ne rien changer plutôt que de réformer », lâche-t-il.

Pour faire avancer la cause de la jeunesse auprès des politiques, dans un pays où le taux de chômage des jeunes atteint les 25 %, le jeune homme voit deux lignes de front : « Trouver des formations à ceux qui n'en ont pas », et « trouver du travail pour les diplômés ». Il balaie les « faux débats » chers aux candidats de la primaire de la droite, Nicolas Sarkozy, Jean-François Copé ou Nathalie Kosciusko-Morizet, sur l’interdiction du port du voile à l’université ou l’idée d’un service militaire obligatoire. « La contrainte vis-à-vis de la jeunesse est une vision passéiste de ce que doit être l’éducation », assène-t-il.

Jimmy Losfeld est donc prêt à négocier, discuter… Mais pas sur n’importe quoi. Et seulement avec les « candidats républicains », précise-t-il. Un mot que la candidate du Front national doit prendre comme une fin de non-recevoir.